
Le président français a entamé sa première visite sur l'île en rendant hommage au préfet Claude Érignac, abattu en 1998. Il a ensuite rencontré les responsables nationalistes et exclut toute amnistie de prisonniers dits "politiques".
Emmanuel Macron a adopté un ton ferme, mardi 6 février, au premier jour de sa visite en Corse, en excluant toute amnistie de prisonniers, l'une des revendications des responsables nationalistes qu'il a rencontrés dans la soirée.
Le chef de l'État a également affirmé la nécessité de ménager un "avenir" à la Corse dans le "giron républicain", posant ainsi les termes du débat qu'il entend avoir durant les deux jours de sa première visite dans l'île.
Vers 19 h, le président a été accueilli à la Collectivité territoriale unique pour s'y entretenir avec les deux dirigeants nationalistes, le président de la collectivité territoriale, Gilles Simeoni, et le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, aux commandes de l'île.
Accueil d'@EmmanuelMacron à la #CullettivitadiCorsica par @Gilles_Simeoni Président du Conseil Exécutif de #Corse et @JeanGuyTalamoni Président de l'Assemblée de Corse en présence des conseillers exécutifs pic.twitter.com/r7he057mNl
Cullettività di Corsica (@cullettivita) 6 février 2018Quelques instants plus tôt, Jean-Guy Talamoni avait jugé qu'il serait "consternant" qu'Emmanuel Macron "ferme les portes" au dialogue. "Nous sommes persuadés que M. Macron est un homme assez intelligent pour comprendre la situation" et "que ce que nous voulons faire va dans le sens des intérêts de la Corse et également de Paris", a-t-il ajouté.
"Il y a une fenêtre historique pour sortir de la logique de conflit", a estimé Gilles Simeoni, qui s'est toutefois inquiété dans Corse-Matin de la présence "autour du président de la République de faucons qui campent sur un refus total de toute avancée et jouent la politique du pire".
"Sans complaisance, sans oubli, sans amnistie"
Comme les trois députés nationalistes présents, Gilles Simeoni n'a pas applaudi le discours d'hommage prononcé par le président dans la matinée sur les lieux où a été tué le préfet Claude Érignac, à Ajaccio, le 6 février 1998.
Son assassinat par un commando nationaliste "ne se justifie pas, ne se plaide pas, ne s'explique pas", a affirmé Emmanuel Macron, qui s'exprimait devant 300 personnes. Il s'est félicité que "la justice de la République" ait "pu être rendue" et a averti qu'elle serait "suivie sans complaisance, sans oubli, sans amnistie".
Je suis ici pour rompre avec les faux-semblants et reprendre le chemin de la construction de l’avenir. C’est ce que la République doit à Claude Érignac, à la Corse, à la jeunesse de Corse, à elle-même.
Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 6 février 2018Il a ainsi fermé la porte à l'une des principales revendications défendues par les nationalistes. Mais Jean-Guy Talamoni a répondu que la position présidentielle n'était "pas quelque chose de bien nouveau", et que l'amnistie des prisonniers dits "politiques" continuerait à faire partie des demandes des nationalistes.
Parmi ces prisonniers figure Yvan Colonna, qui purge une peine à perpétuité pour l'assassinat du préfet Érignac. En fin d'après-midi, son épouse Stéphanie a interpellé le président dans une rue d'Ajaccio. "Mon fils de six ans n'a pas vu son père depuis un an et demi. S'il vous plaît, faites quelque chose (...) Ce n'est pas un animal, c'est un être humain", lui a-t-elle dit.
"Que votre enfant puisse voir son père, que les personnes qui sont détenues dans notre pays puissent voir leur famille, ça fait partie des choses que nous allons assurer", lui a répondu Emmanuel Macron.

"Lieu maudit"
Dans la matinée, devant la veuve de Claude Érignac et ses enfants, de retour pour la première fois sur l'île, le chef de l'État avait dénoncé la "lâcheté" des assassins du préfet, coupables d'"un de ces actes de terrorisme dont notre nation eut encore récemment à subir la barbarie", en faisant référence aux attentats jihadistes.
En inaugurant une place Claude Érignac sur les lieux de l'assassinat, "nous scellons notre union indéfectible dans la République", qui doit "ménager à la Corse un avenir à la hauteur de ses espérances, sans transiger avec les requêtes qui la feraient sortir du giron républicain", a-t-il insisté.
"J'espère que la République ne faiblira jamais en Corse", a déclaré Dominique Érignac, en rendant hommage à son mari sur "ce lieu maudit" où elle a dit avoir pensé ne jamais revenir.
Au deuxième jour de sa visite en Corse, le président de la République prononcera mercredi à Bastia un discours sur sa vision de l'avenir de l'Ile de Beauté.
Avec AFP