logo

Une lycéenne française menacée pour avoir défendu les Turcs alévis

Lors d'un concours de plaidoiries, organisé au mémorial de Caen, une lycéenne a choisi de défendre la communauté alévie, discriminée par le pouvoir d’Erdogan en Turquie. Elle est, depuis, harcelée sur les réseaux sociaux.

La question alévie, cette communauté religieuse minoritaire en Turquie, est très sensible, même en France. Au point de d'attirer, à ceux qui la soulèvent, insultes et menaces de mort. Une lycéenne en a fait les frais, alors qu’elle participait à un concours de plaidoiries, dont la finale était organisée au mémorial de Caen.

Le concours prévoyait que chaque candidat, élève de lycée, élise un thème à défendre, une injustice qui les touche. Hélène Yildiz, venue d'un établissement de Moselle, dans l'est de la France, est issue d’une famille alévie, une communauté importante en Turquie. Les alévis sont associés au chiisme et pratiquent une spiritualité libérale, nourrie de sciences. Leur religion les distingue fortement des sunnites : ils ne respectent ni le ramadan ni le rythme des prières quotidiennes, et se trouvent en confrontation avec l’islam politique promu par le parti au pouvoir, l’AKP.

"Je vais vous parler d’un peuple, mon peuple, débute-t-elle. D’une culture, d’une religion très minoritaire : les alévis. Ils sont entre dix et quinze millions en Turquie. Vivant dans un pays à forte majorité sunnite, ils peinent à faire valoir leur culte et leur mode de vie." La lycéenne décrit comment l es alévis doivent faire semblant de prier dans les administrations, pour ne pas se faire remarquer, ou encore laisser la lumière de leur maison allumée la nuit, pour faire semblant de jeûner lors du ramadan.

La plaidoirie de la jeune lycéenne touche le jury, qui lui décerne un prix. Aussitôt, elle reçoit des injures sur les réseaux sociaux, et se voit menacée de mort. On la dit sympathisante du Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme terroriste par une grande partie de la communauté internationale, dont la Turquie.

"Une violence invraisemblable"

Une vidéo diffusée par "le journal turc", une page facebook ouvertement pro-Erdogan qui compte plus de 90 000 sympathisants, reprend le discours de la jeune femme, le tronçonne et le retoque point par point, sur fond de musique dramatique. Au cours de la vidéo, on voit un homme ricaner face caméra, en ponctuation des propos de la lycéenne. L’effet est glaçant.

"On a tout de suite vu que les réseaux sociaux s’enflammaient, raconte Stéphane Grimaldi, directeur général du mémorial de Caen, joint au téléphone par France 24. C’est d’une violence invraisemblable. La jeune fille est menacée de mort. Elle a fermé son compte Twitter. L’affaire a débordé en Turquie, puisque son texte a été traduit par ses détracteurs pour être diffusé plus largement. Nous avons pris toutes les mesures pour la protéger et l’entourer."

Hélène Yildiz avait déjà reçu des menaces, lorsqu’elle a passé les premières phases du concours, notamment lors de la finale régionale à Strasbourg. Ses parents l’avaient mise en garde contre les dangers d’une telle exposition au grand public. C’est ce qu’elle explique au cours de son allocution. "Ma plaidoirie s’est faite entendre, j’ai reçu des messages de harcèlement et d’insulte de certains membres de l’AKP. Mes parents ont peur que je participe à ce concours", explique-t-elle. Cet acte de courage et de ténacité a été salué par les membres du jury.

Les discriminations envers la communauté alévie ont été condamnées à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment en 2016.

Parcequ'elle s'est exprimée, avec talent, sur une cause, celles des #Alevis de #Turquie, qui lui tient à coeur, la voilà insultée, menacée, intimidée.
Elle mérite d'être soutenue.
Elle est elle aussi une avocate en danger, en quelque sorte.https://t.co/uxyXMCcymb

  Martin PRADEL (@MartinPradel) 30 janvier 2018

Tags: Turquie, Religion,