Le sommet sur l'avenir de la Syrie, organisé par Moscou à Sotchi, a tourné court, mardi. Des représentants de l'opposition syrienne, protestant contre l'absence de leur drapeau, ont annulé leur venue, retardant le début de la conférence.
Le "Congrès du dialogue national syrien" a tourné court, mardi 30 janvier, dans la station balnéaire de Sotchi, en Russie. Certains rebelles syriens, qui s'étaient résignés à y participer, ont découvert avec fureur, à leur arrivée lundi soir, à l'aéroport de Sotchi, que le logo de la conférence ne comportait que le drapeau officiel syrien et pas celui créé par l'opposition au début du conflit, avec trois étoiles entre des bandes verte et noire. Les rebelles ont refusé de quitter le terminal, où ils ont passé la nuit, puis ont décidé de reprendre l'avion.
"C’était le dernier espoir pour les Russes d’avoir de vrais opposants à Sotchi. Mais ces rebelles auraient exigé qu’on change le logo de la conférence où figurait le drapeau syrien, emblème de Bachar al-Assad, et ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord avec les Russes", explique l’envoyée spéciale de France 24 Elena Volochine.
L'ouverture de la réunion a été reportée de deux heures, le temps que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s'entretienne avec son homologue turc, Mevlut Cavusoglu, pour qu'il tente convaincre l'opposition syrienne. Ensuite, le message d'accueil du président russe Vladimir Poutine, lu par Sergueï Lavrov, a été à plusieurs reprises interrompu par des cris, certains hostiles et d'autres scandant "Vive la Russie".
Appel à des élections démocratiques
À l’initiative de la Russie, de l’Iran et de la Turquie, cette grande conférence pour la paix en Syrie s’est achevée sur un appel à l'organisation d'élections démocratiques mais sans tenir compte d'aucune des demandes de l’opposition. Seule annonce concrète, la mise en place d'un comité qui se penchera sur l'élaboration d'une nouvelle Constitution syrienne, dont l'opposition a déjà estimé qu'elle ne servirait que les intérêts du président Bachar al-Assad.
Dans leur communiqué final, les participants ont insisté sur le respect de la souveraineté et de l'unité territoriale de la Syrie après quasiment sept ans de guerre civile. Ils ont aussi souligné que le peuple syrien devrait décider de son avenir par des élections "démocratiques" et être habilité à choisir son propre système politique. Le texte appelle enfin à la préservation de l'armée syrienne et de son rôle de "protection des frontières de la Syrie face à des menaces étrangères et de lutte contre le terrorisme", sans évoquer à aucun moment la réforme des forces de sécurité réclamée par l'opposition.
L’initiative avait dès le départ peu de chances d’aboutir, les principaux acteurs du conflit étant absents. Le Comité des négociations syriennes (CNS), représentant les principaux groupes d'opposition, avait refusé de participer. Les Kurdes, cibles en ce moment d'une offensive des Turcs, alliés de la Russie, ont également décliné l'invitation.
Les Occidentaux sceptiques
Au terme de la conférence, le chef de la diplomatie russe a assuré que le "comité constitutionnel" comprendrait des délégués de toutes les mouvances syriennes, y compris celles qui n'étaient pas représentées à Sotchi. Sergueï Lavrov a également affirmé que le travail du comité s'effectuerait dans le cadre des négociations de paix de Genève, répondant indirectement aux critiques des pays occidentaux qui accusent le gouvernement de Bachar al-Assad de refuser de s'engager sincèrement dans des négociations sous l'égide des Nations unies.
"Nous n'avons pas besoin d'un nouveau processus, nous n'avons pas besoin d'un processus concurrent", a confirmé l'émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui avait fait le déplacement sur les bords de la mer Noire. Le diplomate a précisé qu'il fixerait lui-même les critères de participation au "comité constitutionnel" et sélectionnerait une cinquantaine de membres issus du gouvernement, de l'opposition et de la société civile.
Les Occidentaux s’étaient montrés sceptiques quant à cette initiative russe. Ils craignaient qu'elle n'affaiblisse les discussions de Genève et ne vise qu’à obtenir un accord de paix avantageant le régime de Damas. Ce dernier a déjà repris l'avantage sur le terrain grâce aux soutiens militaires russe et iranien. Les États-Unis et la France ont donc fait savoir qu'ils n'enverraient pas d'observateurs à Sotchi. "La résolution de cette crise passera par l'urgence d'une solution sous l'égide des Nations unies qui doit se passer à Genève, et la France a cela pour objectif immédiat. Ça ne se passe pas à Sotchi, ça doit se passer à Genève", a ainsi lancé mardi 30 janvier le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, devant l'Assemblée nationale.
"Les Russes ne parlent pas du tout du départ de Bachar al-Assad, confirme Elena Volochine. Ce qu’ils veulent, c’est organiser des élections en Syrie." À l’instar des rebelles syriens modérés, considérés comme plus conciliants avec le régime : "Si Assad reste au pouvoir, nous devons faire en sorte qu’il ait moins de prérogatives et que le Parlement en ait davantage", résume au micro de France 24 l'un d'eux, Mahmoud Alafandi, représentant du groupe d’Astana, où se sont déjà tenus des pourparlers sous l'égide de Moscou. Une proposition qui ne fera, en aucun cas, l’unanimité, et qui confirme l'impasse dans laquelle se trouve le règlement politique de ce conflit, qui a fait plus de 340 000 morts depuis 2011.
Avec AFP