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Mouvement de colère au Kurdistan irakien, cinq morts lors d'une manifestation

Cinq personnes ont tuées mardi près de Souleimaniyeh, dans le Kurdistan irakien, lors de rassemblements contre leurs dirigeants qu'ils jugent responsables de la crise politique et économique que traverse la région autonome d'Irak.

Au moins cinq personnes ont été tuées et 80 autres blessées, mardi 19 décembre, à Rania, au Kurdistan irakien, où des centaines de manifestants exprimaient leur colère après des années d'austérité et de retards dans le versement des salaires de la fonction publique.

À Souleimaniyeh, 1 250 manifestants environ, enseignants, étudiants et fonctionnaires pour la plupart, ont défilé dans la ville avant de se heurter aux forces de l'ordre. Selon les services de santé, six d'entre eux ont été blessés après avoir essuyé des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes.

Les protestataires ont incendié les bureaux des partis politiques kurdes à Koya et Kifri et les autorités ont de leur côté coupé les axes routiers menant à Souleimaniyeh, principal foyer de la contestation, a constaté un journaliste de Reuters.

Lundi, déjà, plusieurs bureaux de formations politiques avaient été incendiés dans la province de Souleimaniyeh, celui qui abrite le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), au pouvoir, et celui de son partenaire, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), notamment.

Tout en reconnaissant le "droit légitime" de manifester, le gouvernement régional du Kurdistan a dénoncé mardi les attaques de bâtiments publics et de sièges de partis politiques, les qualifiant d'inacceptables.

Shaswar Abdul Wahid, ex-patron de la chaîne de télévision kurde NRT et fondateur du mouvement de contestation "Nouvelle génération", a été arrêté, mardi, avec sa femme à son arrivée à Souleimaniyeh. Il est accusé d'incitation à manifester contre les autorités kurdes. Par ailleurs, les forces de sécurité ont pénétré dans la soirée au siège de la chaîne NRT et ont arrêté sa diffusion, selon son directeur général, Awad Ali.

"Vers un changement radical"

Les protestataires entendent marquer leur défiance vis-à-vis des formations qui dominent la vie politique du Kurdistan depuis des décennies, qu'ils accusent de corruption tout en exigeant la démission du gouvernement de cette région autonome, affaibli par le récent fiasco du référendum d'indépendance.

Interrogé par l’AFP, Issam al-Fayli, professeur de Sciences politiques à l'Université d'al-Moustansariya à Bagdad, estime que "ces manifestations visent tous les politiciens car les gens ont le sentiment que ces derniers les font vivre dans l'injustice". Et d’ajouter : "C'est la première fois qu'il y a des manifestations contre toutes les personnalités kurdes et je crois que l'on va vers un changement radical, car il n'y a pas actuellement de politicien capable de gérer le dossier politique et de régler les problèmes des citoyens."

La crise économique qui couvait déjà au Kurdistan s'est aggravée à la suite du référendum d'indépendance organisé par Massoud Barzani le 25 septembre dernier malgré la ferme opposition du pouvoir central et de la communauté internationale. Le "oui" à l'indépendance l'a largement emporté, mais Bagdad n'a jamais reconnu ce résultat ni le scrutin lui-même.

Salaires amputés

Dans la foulée du référendum, les forces gouvernementales ont fait mouvement en direction du Kurdistan irakien et se sont emparées de territoires que Bagdad et Erbil se disputaient, notamment la riche province pétrolière de Kirkouk, réduisant de moitié les revenus pétroliers de la région autonome.

Le pouvoir central, en position de force, a en outre fermé l'espace aérien international pour les liaisons avec les deux aéroports du Kurdistan : beaucoup de compagnies privées kurdes et étrangères ont par la suite fermé leurs portes.

Selon les habitants interrogés par l'AFP à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, les salaires ont été amputés et, dans le même temps, alors que l'hiver s'installe, le prix du kérosène pour le chauffage a atteint 150 dollars le baril (200 litres), le double d'il y a deux ans. Il n'y a que quatre heures d'électricité par jour et les gens n'ont plus les moyens de payer l'abonnement au générateur collectif.

Avec AFP et Reuters