Ce groupe de fondamentalistes musulmans, apparu en 2004, est aussi connu sous le nom de "Boko Haram" ("L’éducation occidentale est un pêché"). Leur objectif: instaurer la charia. Leurs cibles: les symboles et les représentants de l’État.
Ils se présentent comme les "Taliban du Nigeria". Cependant, aucun lien direct n’a été établi avec le groupe homonyme d’Afghanistan. "Le fait de s’appeler Taliban leur confère une audience internationale qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent", analyse Seidik Abba, correspondant en France pour l’Agence panafricaine d’information.
Leurs objectifs : instaurer la charia, la loi islamique, et nettoyer un système pollué, selon eux, par l’éducation occidentale et l’immoralité. Leurs cibles sont essentiellement les symboles et les représentants de l’État.
Cependant, à en croire Seidik Abba, "leur but essentiel n’est pas de renverser le pouvoir central, mais […] de fermer les débits de boisson, interdire l’école aux filles, mettre fin à l’éducation à l’occidentale, contrôler les codes vestimentaires et, évidemment, instaurer la justice islamique".
Ces extrémistes - anciens étudiants en échec, jeunes désœuvrés, mais aussi des fils de notables - étaient menés par Mohamed Yusuf, leur chef spirituel, arrêté et tué le 30 juillet par la police. Le même jour, les forces de l’ordre ont annoncé la mort du numéro deux de la secte, Abubakar Shekau.
La violence interconfessionnelle est-elle récurrente au Nigeria ?
Le Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique, est divisé entre un nord majoritairement musulman et un sud chrétien. Plus de 200 ethnies y cohabitent.
L’histoire nigériane a été marquée par la guerre du Biafra qui a opposé entre 1967 et 1970 le pouvoir central aux Ibos, ethnie chrétienne majoritaire au Biafra, une région de l’Est du Nigeria. Cette guerre, aux origines plus politiques que religieuses, a fait plus d’un million de morts.
En 2000, douze États du nord, sur les 36 que compte le pays, établissent la charia. Les minorités chrétiennes fuient les persécutions dont elles sont victimes. Depuis cette date, les affrontements interreligieux qui se multiplient dans le pays ont fait des milliers de victimes.
Dès février 2000, une manifestation de chrétiens dans l’État de Kaduna (nord) contre l’instauration de la charia dégénère. Entre 2000 et 3000 personnes meurent lors des affrontements. Les violences s’étendent dans plusieurs États, provoquant la mort de centaines de personnes dans les mois qui suivent.
Le Nigeria est toujours touché par des violences périodiques. En novembre 2008, suite aux élections locales de la ville de Jos, des émeutes ont fait des centaines de victimes, selon des organisations de droits de l’homme.
En tant qu’ancienne colonie britannique, les lois du Nigeria sont fondées sur la « common law » anglaise. Mais en 2000, douze états nigérians ont ajouté la loi criminelle à leur juridiction de tribunaux islamiques. Ces derniers existent depuis longtemps dans les régions d’Afrique de l’Ouest majoritairement musulmanes. Bien qu’il y ait différents courants de pensée et d’interprétation de la charia, les récents jugements de certains tribunaux islamiques nigérians – qui incluent des lapidations et des coups de fouet – ont soulevé les critiques de plusieurs groupes de droit international. La peine de lapidation d’une jeune Nigériane en 2002, Amina Lawal, accusée d’adultère, a été unanimement condamnée par les associations de droit et les gouvernement occidentaux. Le jugement avait finalement été cassé par une cour d’appel islamique.
Ces récents affrontements sont-ils les fruits de tensions interreligieuses ?
Les attaques menées le 26 juillet par les "Boko Haram" visaient un poste de police dans l’État de Bauchi, dans le nord du pays. Puis pendant cinq jours, les islamistes ont affronté les forces de l’ordre dans trois États voisins. "Cette fois, les fondamentalistes orientent les violences contre l’État, pas contre des groupes religieux ", analyse Seidik Abba.
Derrière ces violences, certains analystes montrent du doigt l’inégale répartition des richesses. En effet, dans le pays, deuxième économie du continent, la moitié de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. "Le sud, chrétien, est riche en hydrocarbures, en infrastructures. Le nord, musulman, est beaucoup plus pauvre. C’est un problème socio-économique profond qui empoisonne l’histoire du Nigeria depuis 40 ans", explique Pascal Drouhaud, historien et spécialiste de l’Afrique.