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Panne de démocratie à La République en marche ?

Alors qu’Emmanuel Macron avait promis en lançant En Marche de "faire de la politique autrement", de nombreux "marcheurs" estiment que la promesse n’est pas tenue et font état d’un manque de démocratie dans le fonctionnement interne du parti.

Est-ce un début de fronde chez La République en marche (LREM) ? Déjà critiqué durant l’été à propos de ses nouveaux statuts, le parti créé par Emmanuel Macron en avril 2016 est désormais accusé par certains de ses adhérents de manquer à ses devoirs en matière de démocratie interne. Dans une tribune publiée sur le site de Franceinfo, mardi 14 novembre, une centaine de "marcheurs" ont annoncé leur départ, considérant que "La République en marche offense les principes fondamentaux de la démocratie avec un mode d’organisation digne de l’Ancien Régime".

"Les nouveaux statuts avec une représentativité très affaiblie de la base militante ne permettent ni la liberté d’opinion et d’expression, ni une critique interne du pouvoir contre ses propres abus", écrivent-ils dans cette tribune, avant de regretter la désignation par Emmanuel Macron du futur patron de LREM : "Le prochain 'sacre' de Christophe Castaner, élu à la tête du parti avant l'heure en l'absence de concurrents, laisse peu d'espoirs aux militants en attente de démocratie."

"Faire de la politique autrement" était pourtant l’un des principes fondateurs d’En Marche. Emmanuel Macron n’a eu de cesse, durant la campagne présidentielle, de fustiger "l’ancien monde", les "anciens partis" et leurs "anciennes pratiques", prônant pour son mouvement un mode de fonctionnement à l’horizontal avec des remontées de la base vers le haut des aspirations de ses adhérents.

Faire de la politique aujourd’hui ce n’est pas aller dans une salle voter une motion déjà décidée. C’est faire sur le terrain. #EnMarche pic.twitter.com/rUZzPRllBi

  Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 novembre 2016

Mais six mois après son élection, de nombreux "marcheurs" considèrent que ces promesses ne sont pas tenues et pointent du doigt le prochain congrès de LREM à Lyon, où quelque 800 membres du parti – parlementaires, élus, référents, ainsi que 200 militants tirés au sort – se réunissent samedi. Ces derniers désigneront Christophe Castaner délégué général de LREM par un vote à main levée et éliront également les membres du bureau exécutif.

Des pressions pour conseiller de "bien voter"

Problème : alors que quatre listes sont en compétition, l’une d’entre elles – la liste 4 – fait figure de "liste officielle". On y retrouve notamment plusieurs personnalités du mouvement comme Richard Ferrand, François Patriat, Cédric O, Laëtitia Avia ou Pierre Person. Christophe Castaner, lui-même, est présent sur plusieurs vidéos de campagne, affichant clairement sa préférence.

La campagne en faveur de la liste 4 ne s’arrête pas là. Selon nos informations, des pressions sont exercées sur les "marcheurs" appelés à voter samedi, ainsi que sur les candidats présents sur les listes concurrentes. "J’ai reçu deux coups de fil de personnes me conseillant de bien voter. Il y a une tendance à suggérer un vote par rapport à un autre", regrette ainsi Cyrille Marques, maire de Bergnicourt (Ardennes), présent sur une liste 1 composée de militants de base, non élus pour la plupart, et qui a récemment écrit une lettre ouverte à Christophe Castaner pour lui faire part de ses critiques.

Celles-ci ne semblent pas avoir été entendues. La direction de LREM minimise ces mécontentements en rappelant que le parti compte 385 000 adhérents, dont 166 000 de plus depuis l’élection d’Emmanuel Macron. "C'est un mouvement très jeune. Nous sommes dans un souci d'efficacité pour se mettre très vite en 'marche', pour qu'on soit capable d'épauler le gouvernement dans l'explication de sa politique au quotidien et faire prospérer des projets citoyens", a justifié Arnaud Leroy, actuel membre de la direction collégiale de LREM, sur Franceinfo. Christophe Castaner, de son côté, a assumé, mercredi après le conseil des ministres, qu’il puisse "choisir son équipe" comme dans une entreprise.

"Je ne veux pas revoir des pratiques dignes de Solférino"

Le futur patron de La République en marche sait toutefois qu’il devra veiller à ce que cette crise ne prenne davantage d’ampleur, notamment chez les députés de la majorité. Or, huit d’entre eux ont osé monter leur propre liste – la liste 3 – et entendent porter "l’ambition d’une diversité réelle et durable dans [les] instances [du parti], parfois perçues comme trop parisiennes, trop verticales, ou pas assez représentatives de la diversité des âges et des origines socio-professionnelles", explique leur profession de foi.

"Nous entendons les critiques des adhérents et, comme eux, nous pensons qu’il ne faut pas s’écarter de l’esprit d’origine d’En Marche, estime Joachim Son-Forget, député des Français de l’étranger, interrogé par France 24. La démocratie est un objet fragile, c’est au jour le jour qu’il faut la réaffirmer. Donc à chaque fois qu’on détecterait des petits signes qui dériveraient de cette volonté de renouvellement qui fait notre ADN, il faut vite taper du poing sur la table."

Joachim Son-Forget regrette en particulier que la liste 4 ait été constituée dans le plus grand secret et reconnaît que certains députés ont eu peur de figurer sur sa liste. "Nous prenons des risques mais ce que nous faisons est bénéfique pour le mouvement. Il y a toujours la tentation dans une direction d’exercer des pressions, mais moi, je ne veux pas revoir des pratiques dignes de Solférino", prévient-il en faisant référence au siège historique du Parti socialiste, connu pour ses congrès riches en manœuvres politiciennes.