
Les supporters marocains en rêvaient depuis vingt ans, les Lions de l’Atlas l’ont fait. Le Maroc a décroché samedi son billet pour le Mondial-2018 en battant la Côte d’Ivoire. Reportage à Tanger où les klaxons ont résonné une bonne partie de la nuit.
Mohamed ne s’attendait probablement pas à pareille fête. Il se souviendra en tout cas que ce samedi 11 novembre 2017, c’est aux côtés de milliers de personnes chantant, dansant et jouant du klaxon toute la nuit dans les rues de Tanger qu’il aura soufflé ses 20 bougies. "Aujourd’hui, je célèbre mon anniversaire et dans le même temps, la qualification de mon pays à la Coupe du monde de football. Je ne pouvais espérer meilleur cadeau !", s’époumone le jeune homme entre deux bousculades.
Il y a vingt ans naissait donc Mohamed. Et il y a vingt ans, le Maroc se qualifiait pour le Mondial-1998, sans se douter qu’il laisserait échapper les quatre suivants. Après la France, les Lions de l’Atlas n’auront vu ni la Corée du Sud, ni l’Allemagne, ni l’Afrique du Sud, ni le Brésil. Ils verront la Russie.
Il suffisait d’un nul. La sélection marocaine a fait mieux. Elle a décroché son billet pour le plus convoité des tournois de football en battant la Côte d’Ivoire chez elle, sur la pelouse du stade Houphouët-Boigny, à Abidjan, sur le score sans appel de 2 à 0. Les dés étaient jetés dès la première période grâce, d’abord, à un centre-tir de Nabil Dirar, puis à une reprise de volée de Mehdi Benatia. Jamais les Éléphants n’ont été en mesure de contrarier les ambitions marocaines. "La rencontre a été belle, la victoire éclatante, et les Marocains sont heureux", résume le tout nouveau "vingtenaire" Mohamed.
Il n’a donc pas fallu longtemps pour que Tanger, une fois le coup de sifflet final donné, prenne des allures de cité-carnaval. Dans une ambiance aussi survoltée que bon enfant, la foule a spontanément envahi les points névralgiques de la ville. Les place de France, place des Nations-Unies, place Brahim-Roudani sont noires de monde. Et c’est à celui qui saura exprimer le plus spectaculairement son allégresse.
Les plus classiques klaxonnent à qui mieux-mieux quand les amateurs de sensations fortes s’essaient au trampoline avec, en guise de toile, un large drapeau marocain tendu par une escouade de supporteurs motivés. En bord de mer, là où l’Espagne est à portée de vue, quelques intrépides se sont hissés en haut des gigantesques lampadaires qui bordent la corniche. Le tout arrosé de chants à la gloire de l’équipe victorieuse et de son entraîneur, le Français Hervé Renard. "Ces moments de joie et de communion, on en rêvait depuis belle lurette. Et aujourd’hui, nous laissons éclater notre joie", semble se justifier Mohamed Reda, juché sur son scooter.
Depuis le trottoir du boulevard Pasteur, Haja, drapeau marocain sur les épaules, s’émerveille de l’effusion de joie collective : "Quelle est belle la jeunesse marocaine !" Ahmed, lui, préfère refaire le match : "Intense, immense, indescriptible, inimaginable". Les mots lui manquent. "Je ne réalise pas encore si je rêve ou si nous sommes vraiment qualifiés. Ce sont des moments inoubliables."
Pour beaucoup, le succès de cette nouvelle génération des Lions de l’Atlas marque un nouveau chapitre dans l’histoire du ballon rond chérifien. "Après la victoire du Wydad Casablanca en Ligue des champions africaine [le 4 novembre 2017], cette qualification vient sonner et confirmer le réveil du football marocain !", s’exclame un supporter qui – ce n’est pas banal – se fait appeler "fierté des Arabes". Avant d’ajouter, reconnaissant : "Mes pensées vont au coach, Hervé Renard, qui a prouvé sa parfaite connaissance du football africain. Et aux joueurs, bien sûr, qui ont rempli leur mission !"
La prochaine, de mission, aura donc pour terrain la Russie, du 14 juin au 15 juillet 2018. La sélection marocaine aura à cœur d’y faire mieux qu’en 1998 en France, où elle n’avait pas dépassé la phase des poules. Et, pourquoi pas, d’en revenir avec la Coupe du monde, ce qui serait une première pour un pays du continent africain. Mais là, il s’agit d’un rêve que les supporters n’ont pas encore eu le temps de formuler.