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Le sort de la taxe carbone entre les mains du gouvernement

L'ancien Premier ministre Michel Rocard a rendu les conclusions de son groupe d'experts sur la taxe carbone, qui vise à faire diminuer les émissions de CO2. La balle est à présent dans le camp du gouvernement.

AFP - L'instauration d'une taxe carbone, ou Contribution climat énergie (CCE), sur laquelle Michel Rocard a remis mardi les conclusions de son groupe d'experts, est désormais soumise à l'arbitrage politique du président, sans doute cet automne.

Selon la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie Chantal Jouanno, qui a réceptionné le rapport aux côtés des ministres du Développement durable et de l'Economie, le document devait être aussitôt transmis au Premier ministre et au président de la République.

Des consultations, annoncées par le Premier ministre François Fillon, auront ensuite lieu avec les ministères et les secteurs économiques concernés, a-t-elle expliqué.

La taxe carbone, dont le principe avait été arrêté par le Grenelle de l'environnement, devrait viser les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) sur la base de 32 euros la tonne de CO2 (puis jusqu'à 100 euros en 2030), pour anticiper la hausse à terme du prix du pétrole.

Ce prix de 32 euros pourrait cependant être revu à la baisse, jugé "élevé" par rapport au prix du quota sur le marché européen (environ 12 euros), qui s'applique aux industries les plus énergivores.

"Il faut laisser aux ménages et aux entreprises le temps de s'adapter", fait valoir Mme Jouanno. Pour Jean-Louis Borloo, "le vrai sujet c'est 2030" et la progression reste à déterminer.

Dans ses conclusions, Michel Rocard énonce "les conditions politiques d'acceptation" de la CCE, "faute de quoi la France se déchirerait en conflits d'une rare intensité", estime-t-il.

La première, selon lui, est que "tout le monde participe à l'effort, sans dérogation ni exonération"; la seconde, que les recettes ainsi collectées au nom de la lutte contre le changement climatique ne servent "en aucun cas" à augmenter les ressources de l'Etat.

M. Borloo a une nouvelle fois insisté mardi, à ses côtés, sur le fait que la CCE sera "entièrement compensée" pour les ménages les plus modestes: "certains ménages recovront même beaucoup plus qu'ils n'auront contribué".

Il la compare au mécanisme de bonus-malus: "Ce n'était pas une taxe mais une incitation: avec la CCE, il y aura des avantages versés aux ménages sur le produit de cette taxe. Ce n'est pas un impôt supplémentaire mais de l'argent qu'on va redistribuer", a-t-il souligné.

Les travaux vont se poursuivre, mais pour Mme Jouanno, "tous les acteurs étant favorables à son instauration, il n'y a aucune raison d'attendre ni aucune raison de ne pas discuter (la CCE) dans le cadre du prochain projet de loi de finances" à la rentrée, pour une instauration dès 2010.

Sur ce point, M. Rocard note une "circonstance malheureuse" qui fait se bousculer dans le calendrier de la rentrée l'instauration de la CCE et l'abaissement promis de la taxe professionnelle: d'où le danger que la première soit perçue comme une recette compensatoire, prévient-il.

Un proche du dossier reconnaît l'écueuil principal: "l'envie sera forcément tentante de se servir de la CCE pour en faire autre chose".

Le ministre du Budget Eric Woerth est d'ailleurs toujours, selon son entourage, hostile à l'idée de signer des chèques à l'ensemble des ménages. Quant aux entreprises, si M.Borloo jugerait "normal de les compenser le temps qu'elles s'adaptent", le ministère du Budget considère qu'elles devront "jouer le jeu" et polluer moins, ou payer.

A ce stade, la CCE reste donc à arbitrer au plus haut niveau de l'Etat. La question désormais "relève de la décision politique du président", souligne M. Borloo.