
Habitué à voir sa couverture censurée par Facebook, le journal "Siné Mensuel" a cette fois anticipé en imaginant une version de sa une qui ne serait pas supprimée par le réseau social.
Un homme dont la tête n'est plus une tête mais un pénis. C'est ce que l'on peut trouver en couverture du journal Siné Mensuel daté du mois de novembre. Ce dessin de Lacombe occupe la une du titre satirique à l'occasion d'un numéro consacré au harcèlement sexuel, érigé en débat de société depuis le scandale Weinstein et les hashtags #metoo et #balancetonporc.
Dans la seconde version qui sera mise en ligne sur Facebook, le sexe masculin est cette fois barré de la mention "Ceci n'est pas une bite", en référence au tableau de Magritte, "Ceci n'est pas une pipe".
"On peut s'étonner que les garants de la démocratie et de la liberté de la presse réagissent si peu à la censure que les pudibondes multinationales américaines nous imposent à tous", commente la rédaction du journal satirique dans le communiqué de presse annonçant la sortie de ce numéro. "Notre compte a été par le passé suspendu à plusieurs reprises pour cause de dessins jugés trop sexués. Alors on déjoue avec humour", peut-on également lire.
En effet, les "standards de la communauté" du réseau social n'autorisent la nudité que si ces contenus sont publiés "à des fins éducatives, humoristiques ou satiriques". Sont ainsi bannies "les photographies présentant des organes génitaux ou des fesses entièrement exposées" ainsi que "les images illustrant explicitement des rapports sexuels". Reste que de nombreuses photographies ou illustrations n'ont pas droit de cité sur Facebook alors qu'elles n'enfreignent pas nécessairement les règles édictées.
Censure à deux vitesses
Ainsi, en 2013 par exemple, Rue89 se voyait censurer une photographie de Sebastiao Salgado montrant les femmes d'une tribu Zoé au Pérou. Rien de pornographique, pourtant. Le cas le plus emblématique de la censure de Facebook reste bien sûr "l’Origine du monde", le tableau de Gustave Courbet, publié sur le compte Facebook d'un instituteur en 2011, lequel s'était immédiatement vu fermer son compte. Plaidant la liberté d'expression, l'internaute mécontent s'était alors lancé dans une poursuite judiciaire contre le réseau social, mais ce dernier avait argué ne pas être obligé de se contraindre à une décision de justice émanant d'une juridiction française.
En attendant, la régulation des images circulant sur Facebook reste toujours aussi floue. Entre liberté d'expression et protection des utilisateurs, modérer sur un réseau social de cette envergure est une activité qui prend souvent quelques heures, le temps que les équipes dédiées s'attellent à la tâche. Dans la précipitation, ce sont donc parfois des contenus inoffensifs qui se retrouvent supprimés pendant que des images plus problématiques, parfois même de violence et d'humiliation sexuelle, demeurent. C'est bien pour cette raison que le journal Siné Mensuel a pris les devants en offrant une couverture "Facebook-friendly" à ses lecteurs afin de s'éviter une censure à un moment marketing important dans la vie d'une rédaction – celui de la promotion d'un nouveau numéro. Un cas de figure qui nous rappelle la censure à deux vitesses de Facebook. Car même s'il est indéniable que le réseau social a aidé la liberté d'expression dans de nombreux pays où la parole ne peut être échangée autrement, il semble également défendre une vision plutôt puritaine du monde. Un monde dans lequel le bébé nu de la pochette d'album "Nevermind" de Nirvana ou encore la photo d'une femme aux seins nus prise par la photographe Laure Albin Guillot n'ont pas lieu d'être.
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