Alors que le président déchu de la Catalogne, Carles Puigdemont, a appelé samedi les partisans de l'indépendance à s'opposer à Madrid, le camp du maintien dans l'Espagne compte se faire entendre en battant le pavé, dimanche, à Barcelone.
En Catalogne, le camp du maintien compte bien lui aussi se faire entendre. Après les indépendantistes vendredi, à ceux qui souhaitent rester dans l'Espagne d'occuper la rue à Barcelone, dimanche 29 octobre. Leur but est clair : démontrer que la réalité de ce territoire grand comme la Belgique reste très nuancée. La région est plus que jamais divisée, deux jours après sa déclaration d'indépendance marquant une rupture sans précédent en quarante ans de démocratie.
La manifestation a envahi l'une des avenues emblématiques de Barcelone, le Paseig de Gracia, inondée de drapeaux espagnols et où résonnait le slogan "Puigdemont, en prison !", en référence au président indépendantiste catalan destitué vendredi par Madrid.
Elle a rassemblé environ 300 000 personnes, selon la police municipale, 1,1 million selon les organisateurs.
"La Catalogne, c'est nous tous !" : c'est sur ce même slogan que les organisateurs de ce nouveau rassemblement avaient déjà réussi à mobiliser plusieurs centaines de milliers de personnes contre la sécession, le 8 octobre.
L'appel de l'association organisatrice, la Société civile catalane, est assorti de deux mots : "coexistence" et surtout "seny", ce "bon sens" supposé réunir une majorité des Catalans face à ce que les détracteurs des indépendantistes qualifient de fuite en avant ou de "déraison".
Une pré-campagne électorale
La manifestation se produira alors que Madrid cherche au plus vite à reprendre en main la Catalogne, dont la déclaration d'indépendance n'a obtenu aucune reconnaissance internationale et où les drapeaux de l'Espagne restent visibles sur les bâtiments de l'État.
Officiellement, la région est désormais dirigée directement par la numéro 2 du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, tout le gouvernement catalan, et jusqu'à 150 hauts responsables de l'administration selon la presse, ayant été destitués.
Une des premières décisions de Madrid a ainsi été de remplacer l'emblématique chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero, jugé trop proche des indépendantistes.
Le gouvernement espagnol avait reçu l'autorisation du Sénat vendredi de mettre en œuvre l'article 155 de la Constitution, jamais utilisé, pour prendre les rênes de la région et y "restaurer l'ordre constitutionnel", alors que déjà plus de 1 600 entreprises ont entrepris de déménager leur siège social par crainte de l'instabilité. Et il a en ligne de mire l'organisation d'élections régionales le 21 décembre, dans moins de deux mois.
La manifestation de dimanche aura donc sans doute aussi des airs de précampagne électorale, car les trois partis qui en Catalogne prônent le maintien de la région au sein de l'Espagne – Ciudadanos (libéral), le Parti socialiste catalan et le Parti populaire de Mariano Rajoy – y seront représentés.
La revanche de la Catalogne silencieuse
En septembre 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,8 % des suffrages. Près de 51 % des voix étaient allées à des partis soutenant un référendum légal d'autodétermination ou le maintien en Espagne.
Les séparatistes étaient cependant majoritaires au Parlement, avec 72 sièges sur 135, par le jeu de la pondération des voix en faveur des régions les plus rurales.
Les séparatistes "vivent dans un monde parallèle, un peu surréaliste", jugeait Silvia Alarcon, une manifestante de 35 ans, habitante de la banlieue de Barcelone. Elle se dit "en colère" contre les sécessionistes s'exprimant au nom de tous, "alors que ce n'est pas le cas".
"Je serais extrêmement fâché si Madrid ne les mettait pas face à leurs responsabilités, judiciairement ou d'une autre manière, ce sont eux les dictateurs, eux qui ont fait passer les choses par la force", renchérissait Miguel Angel, retraité de 70 ans, arrivé de Rubi, à 22 km de Barcelone.
"Nous avons une occasion en or. La majorité des Catalans contrainte au silence depuis des années sait qu'il faut se mobiliser en masse", estimait dès vendredi soir Ines Arrimadas, la chef en Catalogne du parti Ciudadanos, fer de lance de la lutte contre les indépendantistes. Mais les séparatistes ne s'avouent pas vaincus. Vendredi soir, c'est la naissance de la "République catalane" qu'avaient célébré des dizaines de milliers de personnes à travers la Catalogne.
Avec AFP