Superman est l’incarnation de la puissance et du patriotisme américain. Mais derrière le mythe de l’homme de fer se cache avant tout un migrant de l’espace venu clandestinement aux États-Unis.
Je suis arrivé sur le sol américain à bord d’un vaisseau kryptonien avant mes 31 ans. J’ai atterri au Kansas dans la ferme de Jonathan et Martha Kent. J’ai étudié au lycée de Smallville et j’ai obtenu mon diplôme. Je réponds à l’ensemble des critères me permettant d’intégrer le Deferred Action for Childhood Arrivals (Daca). Je suis, je suis ? Superman, évidemment.
Si l’homme de fer, alias Clark Kent – ou Kal-El, c’est selon – avait existé, il serait un "Dreamer". Un gamin qui a débarqué aux États-Unis de manière illégale, mais qui peut rester sur le territoire grâce au programme Daca instauré par Barack Obama en 2012. Ce système accorde aux mineurs dans cette situation un permis de séjour de deux ans. Mais le nouveau locataire de la Maison Blanche ne l’entend plus de cette oreille.
Donald Trump a annoncé en septembre la suppression de ce privilège dont bénéficient 800 000 migrants. Pour le président américain, il s’agissait de réaliser un engagement de sa campagne. En tant que candidat, il avait promis de "résilier immédiatement" le Daca. "Nous ne pouvons accepter tous ceux qui voudraient venir ici, c'est aussi simple que cela", avait-t-il déclaré. Les auteurs de DC Comics ont reçu le message du président américain et lui ont adressé leur réponse en septembre 2017 par le biais de l’homme à la cape rouge.
“Le parangon du ‘melting pot’”
Dans le numéro #987 d’Action Comics, revue dans laquelle ses aventures sont publiées depuis 1938, Superman intercepte un travailleur au chômage sur le point de tuer des migrants. Chemise bleue, bandana aux couleurs des États-Unis, l’homme accuse des femmes voilées et des hispanophones d’être responsables de sa situation. L’ombre de Donald Trump n’est pas loin…
From this week's Action Comics #987 by @thedanjurgens @VikBogdanovic @DCComics #Superman #DACA pic.twitter.com/hNAMuRjnBt
— Michael Libby (@tenaciouslibbs) 13 septembre 2017
Le forcené tire sur la foule, mais Superman arrête toutes les balles avant de s'adresser à lui : "La seule personne responsable de la noirceur de ton âme, c'est toi." Au lendemain de cette phrase, Fox News et le site d’extrême droite Breitbart ont qualifié Superman de "gauchiste". Les conservateurs pensent avoir perdu le symbole ultime du patriotisme américain, le héros qui a un jour fait trembler le ministre de la propagande nazie. Mais est-ce vraiment surprenant de voir Superman agir ainsi ?
"La seule personne responsable de la noirceur de ton âme, c'est toi"
“Il est le parangon du ‘melting pot’ des États-Unis. Le voir défendre des migrants est d’une logique implacable”, répond Olivier Delcroix, à qui l'on doit le livre “Les super-héros au cinéma”, contacté par Mashable FR. “C’est un migrant, mais aussi le plus patriote des Américains. Encore plus que Captain America. Son costume a été fabriqué à partir du drapeau des États-Unis“, ajoute-t-il. “Déjà en 1972, dans le numéro #272, Superman prenait la défense de travailleurs mexicains maltraités par des Américains”, explique aussi Xavier Fournier, auteur de “Super-héros, l’envers du costume”.
À cet autre exemple, on peut ajouter sa participation à l’effort de guerre contre les nazis, ou son combat radiophonique contre les membres du KKK. Bref, Superman a toujours été pour la mixité et la défense des droits de l’homme. Ce positionnement idéologique trouve ses origines dans celles des parents du Kryptonien.
Migrant et fils de migrants
Jerry Siegel et Joe Shuster, les deux papas de Superman, étaient deux juifs d'origine européenne. Leurs parents sont arrivés aux États-Unis avec l’espoir d'une vie meilleure. C’est le même schéma qu’ont essayé de reproduire les auteurs avec Superman, en y ajoutant un zeste de religion.
“Deux petits juifs créent un super-héros lancé dans l’espace par ses parents avant la destruction de son monde natal. Comme Moïse dans la Bible”, analyse Olivier Delcroix. Pourtant, les racines extraterrestres de Superman n’ont pas toujours été mises en avant. Fut une époque où sa principale mission était de protéger la Terre de monstruosités qui ne s’intéressaient pas aux origines de leurs victimes.
"Superman est un miroir de nos sociétés"
Mais l’histoire a toujours fini par rattraper le héros invincible. On pense notamment au film de Zack Snyder, “Batman v Superman”. Si les deux héros s’y affrontent, c’est parce que Superman est perçu comme une menace. Il est accusé d'être responsable de la destruction de Metropolis, ville qu’il essayait avant tout de protéger. Une partie de la population le considère alors comme un danger et lui demande de rentrer chez lui, autrement dit loin de la Terre. Entre ce scénario et la situation vécue par certains migrants, les similitudes sont nombreuses. “Superman est un miroir de nos sociétés. Il sera toujours ce dont l’époque aura besoin. Avec Donald Trump au pouvoir, il va avoir du travail”, conclut Xavier Fournier.
Superman peut donc dès à présent recycler ce qu’il disait déjà sur des posters des années 50. “Si vous entendez quelqu’un s’en prendre à un camarade de classe ou à quiconque à cause de sa religion, sa race ou sa nationalité d’origine, n’attendez pas : dites-lui que cette manière de parler n’est pas américaine.”
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