logo

L'État ne veut plus payer pour sauver ses touristes en perdition à l'étranger

Les Français libérés lors d'une opération de secours après s'être rendus dans une zone étrangère dangereuse pourraient devoir en régler la facture, selon un nouveau projet de loi du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

L'État pourrait dorénavant envoyer aux premiers concernés la facture des opérations de secours qu'il organise pour sauver des touristes français en voyage à l'étranger dans une zone dangereuse, selon le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui a présenté mercredi un nouveau projet de loi en ce sens, lors du Conseil des ministres.

Le texte vise à "responsabiliser les ressortissants français qui se rendent sans motif légitime" dans des endroits à risques et précise que "L'État pourra leur demander le remboursement de tout ou partie des frais induits par les opérations de secours". Il s'inspire directement des règles allemandes et anglo-saxonnes, qui stipulent que la libre circulation des personnes est indissociable de leur responsabilité dans la prise de risque, explique le Quai d'Orsay.  

Le 23 mai dernier, un touriste français avait été enlevé dans une province du sud-ouest du Pakistan - un rapt qui, pour l'heure, n'a toujours pas été revendiqué. Et, le 4 avril 2009 encore, l'équipage du voilier "Tanit" avait été séquestré par des pirates au large de la Somalie. Au cours de sa libération par l'armée française, l'un des otages avait trouvé la mort.

Les voyagistes également ciblés
 
La facture ne concernerait pas seulement les touristes. Les professionnels du voyage sont également dans la ligne de mire. Le remboursement de tout ou partie des frais de secours pourrait être également demandé aux "opérateurs de transport, compagnies d’assurance et voyagistes, qui auront failli à leurs obligations".

"Nous ne programmons pas les zones à risques !", s'exclame René-Marc Chikli, président du Cercle d'études des tour-opérateurs français, interrogé par le site Web de l'hebdomadaire Tour Hebdo. Les personnes concernées sont "plutôt des clients qui prennent des vols secs vers des destinations dangereuses", corrige-t-il.

"Cela repose la question de la responsabilité et du devoir d'information : nous devons absolument trouver un moyen de prouver que nous avons informé correctement un client, sachant que la décharge n'a pas de valeur légale", précise René-Marc Chikli.

 Le projet de loi vise les ressortissants français qui ont besoin d'une opération de secours alors qu'ils ont eu "des mises en garde sur les risques encourus".

Les conseils du Quai d'Orsay 
 
Informer, c'est aussi la mission du ministère des Affaires étrangères, qui distille et actualise régulièrement son site en "conseils aux voyageurs". Le ton est donné dès la page d'accueil : "Certaines destinations peuvent être déconseillées pour votre sécurité !", peut-on y lire par exemple. Afghanistan, Irak, Somalie : exhaustive, la liste des pays dangereux détaille chaque actualité et chaque risque sécuritaire ou médical encouru. Les mesures de précaution contre la grippe A (H1N1) pour les touristes font d'ailleurs partie des avertissements du Quai d'Orsay, selon les pays.

En France, depuis 1985, les frais de secours en montagne peuvent être facturés, en tout ou partie, aux skieurs et promeneurs accidentés qui ont fait preuve d'imprudence.

Quant aux remboursements des rançons exigées lors des prises d'otages, le ministère rétorque : "Officiellement, la France ne verse pas de rançon pour libérer ses ressortissants." Avec ce nouveau projet de loi, Bernard Kouchner révèle le prix à payer pour les touristes avides de sensations fortes.