À l'occasion de sa rencontre avec le Premier ministre libanais, vendredi à Paris, le président français a souhaité l'organisation d'une conférence sur la question du retour des réfugiés syriens, présents en nombre au pays du Cèdre.
Alors que la résolution du conflit en Syrie semble une lointaine perspective , la France anticipe la question du retour des réfugiés syriens dans leur pays. Le président Emmanuel Macron a souhaité, vendredi 1er septembre, la tenue d'une conférence au Liban sur ce dossier, à l'issue d'une rencontre à Paris avec le Premier ministre libanais Saad Hariri, dont le pays est l’un des principaux pays à accueillir des Syriens.
Ce sujet "doit être pleinement pris en compte dans le processus politique, dans l'accompagnement économique et financier pour la région et (doit être) une donnée de base dans la stabilisation durable de la Syrie et de la région", a précisé le chef de l’État français. Ce dernier a précisé que le Liban "demeurera le premier récipiendaire de l’aide française en réponse à la crise des réfugiés syriens, compte tenu de la charge qui est la [sienne]".
Le Liban doit relever des défis majeurs. Vous pouvez compter sur la France pour accompagner le renforcement de votre État @saadhariri. pic.twitter.com/cGZX87Uvkh
Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 1 septembre 2017Présent à ses côtés lors d’une conférence de presse commune, Saad Hariri a rappelé que la question des réfugiés était "très difficile pour le Liban car elle [pesait] beaucoup sur l'économie, l'environnement et la sécurité".
Selon l’entourage d’Emmanuel Macron, qui veut également organiser une autre conférence à Paris sur les investissements internationaux au Liban, "les réfugiés, leur nombre, leur présence, a déjà des conséquences très lourdes sur les infrastructures, la sécurité, l'environnement" du Liban et des autres pays d'accueil de la région . L a Jordanie et la Turquie seront notamment invitées à la conférence, qui sera organisée durant le premier semestre 2018 .
Une économie mise à rude épreuve
Selon les chiffres du gouvernement libanais, 1,5 million de ressortissants syriens ont trouvé refuge au Liban depuis le début de la guerre en mars 2011. Un chiffre équivalent à plus d’un quart de la population libanaise, estimée à 4 millions de personnes, qui vit sur un territoire dépassant à peine les 10 000 km2. À titre de comparaison, à l’échelle de la France, cela équivaudrait à accueillir quelque 24 millions réfugiés.
En privé, des responsables libanais et certaines ONG locales continuent d’affirmer que ce chiffre officiel de 1,5 million de réfugiés est en-deçà de la réalité. Ils arguent qu’un nombre très important de ressortissants syriens ne se sont pas inscrits sur les listes officielles.
Si le flot d’arrivées s’est tari ces dernières années, en 2014, le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), affirmait enregistrer quotidiennement au Liban quelque "2 500 nouveaux réfugiés, soit plus d'une personne par minute". Un afflux qui avait poussé le pays du Cèdre, pressurisé de facto par une demande de denrées et de services supplémentaires, à demander à plusieurs reprises une aide internationale pour pouvoir répondre aux défis financiers de cette crise.
Dans son dernier rapport publié en avril, la Banque mondiale rappelait l'impact économique de la présence des réfugiés syriens sur le Liban, entassés dans des camps informels aux quatre coins du territoire. Un accueil "qui a mis à rude épreuve ses finances publiques déjà fragiles dans un contexte de restriction de l’aide internationale", a-t-elle indiqué.
Une situation humanitaire critique
Submergés, les infrastructures et les services de base libanais ont atteint leur point de saturation, que ce soit les hôpitaux ou le système éducatif (le nombre d'enfants syriens en âge d'être scolarisés – 400 000 – est supérieur à celui des enfants libanais dans les écoles publiques). Et ce, dans un pays où le secteur public, déjà gangréné par la corruption et le népotisme, était déjà, avant même l’arrivée des réfugiés syriens, dans l’incapacité de fournir, de façon continue, les services élémentaires à l’ensemble de la population libanaise, telles que l’électricité et l ’eau.
D’un point de vue humanitaire, malgré les efforts des autorités et des ONG locales et internationales, la situation des réfugiés syriens, par ailleurs soumis à de nombreuses restrictions (couvre-feux, permis de séjour, interdiction de rassemblement , etc.), et accusés de constituer une main d’œuvre bon marché, et de plomber ainsi le marché du travail libanais , reste très critique et dépendante de l’aide internationale.
Selon l'ONU, un grand nombre des réfugiés syriens au Liban souhaitent rentrer chez eux. Reportage de @RFIhttps://t.co/miLDUOZlTB pic.twitter.com/0rox7z6g9z
InfoMigrants FR (@InfoMigrants_fr) 20 juillet 2017Une étude annuelle menée par l’Unicef et le Programme alimentaire mondial (PAM), publiée début 2017, expliquait que plus d’un tiers des réfugiés souffraient "modérément ou gravement" d’insécurité alimentaire. La proportion de foyers vivant en-dessous du seuil de pauvreté se maintient, elle, à un "taux alarmant" de 71 %.
L’étude démontre toutefois que, comparée aux années précédentes, la situation des réfugiés ne s’est pas beaucoup détériorée dans les domaines de la santé, de l’éducation, des abris, de l’eau, de l’hygiène, des déchets solides et de l’énergie, "grâce au soutien financier de la communauté internationale et à la programmation prudente des opérations humanitaires".
Une question très politisée
Outre les considérations économiques et humanitaires, la question des Syriens au Liban est de plus en plus exploitée par les différents camps à des fins politiques, dans un pays, où règne un fragile équilibre confessionnel, entre chrétiens et musulmans, mais aussi entre sunnites (confession de la grande majorité des réfugiés syriens) et chiites. Et ce, alors qu'il existe un certain consensus sur la nécessité de régler la question de leur retour en Syrie.
Pour le Hezbollah chiite, allié du régime syrien, le pays du Cèdre doit discuter directement avec Damas pour organiser un tel retour. Manière pour le mouvement politico-militaire de Hassan Nasrallah d’obtenir la restauration totale des relations, distanciées depuis le début du conflit en Syrie, entre le pouvoir du président Bachar al-Assad et le Liban.
Interrogé par le journal Le Monde sur ce dossier, le Premier ministre libanais Saad Hariri a renvoyé la question aux calendes grecques, en liant le retour des réfugiés au départ du président syrien Bachar al-Assad. Un départ qui ne figure pas sur l’agenda des puissants parrains iraniens et russes de Damas.
"Au Liban, certains disent qu’on doit renouer des relations avec le régime de Bachar al-Assad pour faire rentrer les réfugiés […]. Ils ne rentreront pas dans leur pays, tant que le régime est là. Et tant que je n’ai pas un feu vert de l’ONU pour un retour sécurisé des réfugiés, je ne ferai rien." Une prise de position qui risque d’échauffer un peu plus les esprits au Liban sur cette question.