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Des gaz à effet de serre non répertoriés par les pays signataires de la COP 21 menacent l'engagement écologique

Dans le cadre de l'accord de Paris, les pays se sont engagés à produire des inventaires de leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais certains gaz, très dangereux pour la planète, n'y sont pas répertoriés, faussant les chiffres de ces pays.

Comment surveiller les émissions de gaz à effet de serre des différents pays si ces derniers ne publient pas de relevé honnête des différents gaz qu'ils produisent ?

C'est la question cruciale que pose une enquête publiée par la BBC, le 8 août. Dans le cadre de l'émission de radio Counting Carbon, le média britannique dresse le bilan de tous ces gaz à effet de serre qui ne sont pas recensés par les pays émetteurs. L'existence de ces émissions de gaz faussent les chiffres donnés par chacun des 195 pays signataires de l'accord de Paris, qui se sont tous engagés à produire tous les 2 ans un inventaire de leurs émissions.

Des gaz inconnus et non recensés

Tout commence en Italie, où un groupe de chercheurs suisses ont repéré de grandes émissions d'un gaz à effet de serre, le HFC-23. Entre 2008 et 2010, ces scientifiques ont enregistré les niveaux de ce gaz, produit en général par les industries de réfrigérants et de climatisation.

"Notre estimation pour ce lieu est de 60 à 80 tonnes émises chaque année", explique le professeur Stefan Reimann, du laboratoire fédéral suisse d'essai des matériaux et de recherche. "On a comparé ces chiffres à l'inventaire italien, mais ce dernier ne mentionne que 10 tonnes de ce gaz, et seulement 2 à 3 tonnes pour cette région."

Italy and Switzerland clash over greenhouse gas data. Nice scoop here https://t.co/j8jLlDGesS

— Jess Shankleman (@Jess_Shankleman) 8 août 2017

Ce gaz est 14 800 plus fort que le CO2 en terme de réchauffement. Pour Stefan Reimann, c'est "comme une ville de 80 000 habitants qui ne serait pas comptabilisée". Contactée par la BBC, l'agence environnementale italienne a nié ces chiffres et soutenu que son inventaire était correct.

Inventaires faussés et statistiques dissimulées

Un autre gaz, le tétrachlorométhane, pose problème du côté de la Chine. Ce gaz, auparavant très utilisé comme réfrigérant et comme solvant, est interdit depuis 1985 grâce à l'accord de Montréal. Très dangereux pour la couche d'ozone, "on voit encore 10 000 à 20 000 tonnes de ce gaz venir de Chine chaque année" selon Stefan Reimann. Pour preuve, l'épaisseur des inventaires : le dernier rapport chinois fait une trentaine de pages, quand celui d'autres pays comme le Royaume-Uni en fait plusieurs centaines. "Il n'y a pas d'inventaire officiel pour ce gaz en Chine, vu qu'il est interdit et que l'industrie ne devrait pas en produire", poursuit le scientifique.

La Chine est une habituée de ces pratiques. En 2007, elle avait déjà nié les statistiques montrant qu'elle était devenu le premier pays émetteur de CO2. "Je travaillais alors là-bas", témoigne Angel Hsu, de l'université Yale. "Les statistiques prouvant la position de la Chine comme premier pays émetteur de gaz à effet de serre ont été retirées, on m'a dit que le gouvernement ne reconnaissait pas ces chiffres."

Un risque pour l'accord de Paris

En Inde, où se trouvent 15 % du bétail mondial, les niveaux de méthane émis sont également sous-estimés. "Concernant les ruminants, les émissions de méthane sont incertaines à 50 %", commente Anita Ganesan, chercheuse à l'université de Bristol qui a supervisé les données de ce pays. "L'émission de méthane de l'Inde pourrait donc être 50 % plus ou 50 % moins forte que ce qui est annoncé."

"Sans base de données pertinente, l'accord de Paris s'effondre"

Une erreur similaire, de l'ordre de 30 à 40 %, a été calculée pour les émissions de gaz à effet de serre en Russie. On ignore donc réellement la quantité de gaz que les différents pays libèrent dans l'atmosphère chaque année.

Cet écart entre réalité et statistiques sur le papier menace l'accord de Paris, dont l'objectif est pourtant la jugulation des gaz à effet de serre. "Le point central de cet accord est la révision des objectifs tous les 5 ans, après laquelle les pays signataires doivent réhausser leurs ambitions et accentuer leurs efforts", explique Glen Peters du Centre du climat international et de la recherche environnementale, basé à Oslo. "Mais si on ne peut pas suivre efficacement ces progrès, on ne peut rien faire."

La signature de l'accord a beau avoir été actée en 2015, les pays sont encore en négociation pour définir les outils et mesures qui s'appliqueront à tous. "Sans base de données pertinente et réaliste, l'accord de Paris s'effondre", conclut Glen Peters. "Cela devient juste du 'blabla' sans conséquence", se désole-t-il.

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