
Alors que les Bleues font partie des favorites, l'équipe de France espère que l'Euro-2017 de football va encore augmenter l'intérêt du public et balayer les derniers préjugés. En 2019, le Mondial aura lieu pour la première fois en France.
Ne l’appelez surtout pas le football féminin. Dominique Crochu, première femme à avoir obtenu un poste de directeur au sein de la Fédération française de football (FFF), insiste : "Elles jouent au football et non au football féminin. C’est le même sport que pour les hommes, avec les mêmes règles"
Dominique Crochu fait partie des millions de téléspectateurs qui suivent l’Euro-2017, qui a débuté aux Pays-Bas dimanche dernier. Pour la première fois, un grand tournoi féminin est entièrement diffusé en France sur des chaînes gratuites. Mardi 18 juillet, sur France 2, l’entrée en lice des Bleues face à l’Islande a rassemblé 3,3 millions de téléspectateurs. Les dirigeants du football français espèrent que cette exposition médiatique va servir de tremplin pour la prochaine Coupe du monde, en France, en 2019.
"Maintenant que les matches peuvent être regardés gratuitement, nous pouvons donner une plus grande audience à notre sport", estime Dominique Crochu. Pour cette ancienne directrice des Nouveaux médias à la FFF, il est important d’offrir aux joueuses de la visibilité et ainsi "d’avoir des modèles qui puissent inspirer les jeunes filles".
Au siège de la @FFF, on est tous avec les Bleues pour l'#Euro2017!???? Et vous????? pic.twitter.com/Cg5xHrRiuT
— FFF (@FFF) 18 juillet 2017Quand le football bannissait les femmes
Les footballeuses ont fait beaucoup de chemin. Alors que le tout premier match est organisé en France en septembre 1917, il faut attendre la fin des années 70 pour que les fédérations anglaises, françaises ou allemandes reconnaissent le football féminin. Le premier Euro a lieu en 1982 sous la houlette de l’UEFA. Mais ce n’est qu’en 1991 que la FIFA accepte d’organiser une Coupe du monde. Avant cela, les joueuses devaient se contenter de tournois non officiels.
Ces dernières années, le sport a pris de l’ampleur dans l’Hexagone. Avec l’Olympique lyonnais et le Paris Saint-Germain, la France compte deux des plus grands clubs européens. Le duel entre les deux équipes lors de la finale de la Ligue des champions a rassemblé plus de 2,7 millions de téléspectateurs sur France 2 en mai dernier. Le nombre de licenciées a aussi explosé, passant de 35 000 en 2000 à 100 000 en 2016.
Un sondage a montré que le football féminin avait une "image positive" pour 81 % des personnes interrogées. Mais cette perception favorable ne se retranscrit pas sur le terrain : 74% des sondés ont expliqué avoir très peu ou aucun intérêt pour ce sport, les femmes encore moins que les hommes.
“Nous faisons des progrès, mais il y a encore du chemin à parcourir”, souligne ainsi Dominique Crochu, en suggérant que le football, comme de nombreux sports, est toujours un bastion du sexisme, surtout lorsque cela touche les postes de directions: "Il est probablement toujours plus facile pour une femme de devenir PDG ou astronaute plutôt qu’un grand nom dans le monde du football".
Les Bleus soutiennent les Bleues pour l'#EURO2017! ????⚪???? #FiersdetreBleus pic.twitter.com/qKRialoU0b
— Equipe de France (@equipedefrance) 18 juillet 2017Des pionnières
Il est en effet toujours difficile de se faire sa place en tant que femme dans le milieu très masculin du football. Il y a deux ans, Clermont Foot a été le tout premier club professionnel européen à engager une femme en tant qu’entraîneur. Bien que Clermont ne soit qu’en deuxième division, avec un petit budget, la nomination de Corinne Diacre, une ancienne joueuse de l’équipe de France, a suscité l’intérêt des médias internationaux.
Celle-ci a dû répondre à des questions sur sa vie privée, son salaire ou la façon dont elle allait pénétrer dans le vestiaire des hommes. Aux journalistes, Corinne Diacre a répliqué que de nombreux hommes entraînent des équipes de femmes et qu’ils n’ont jamais été interrogés sur ce genre de sujets. Quelques critiques ont pointé du doigt le fait qu’il s’agissait surtout d’un coup de publicité pour le club de Clermont. Mais une fois que le cirque médiatique s’est apaisé, Corinne Diacre a réussi à engranger des résultats et à gagner le respect de ses pairs. À la fin de l’année 2015, elle a même été élue meilleur entraîneur de Ligue 2 par l’hebdomadaire France Football.
"Un système à deux vitesses"
Alors que le football féminin se développe, plusieurs grands clubs européens ont décidé eux aussi de prendre le wagon en marche, dans l’idée de bénéficier de la bonne image qu’il véhicule. En Italie, un pays ou le football féminin était à la traîne, la section féminine de la Fiorentina a remporté le championnat, seulement deux ans après sa création. Piqués aux vifs, les rivaux de la Juvenvus Turin sont en train de créer leur propre section féminine.
"C’est devenu à la mode d’avoir son équipe féminine, et nous n’allons pas nous en plaindre si cela signifie que de l’argent est investi pour les femmes", réagit Dominique Crochu, tout en expliquant que ce coup de projecteur sur les grands clubs cache le fait que la plupart des matchs se jouent toujours en amateur. "Il y a un système à deux vitesses dans lequel les grandes équipes dépensent beaucoup parce que cela est bon pour leurs relations publiques, alors que les petits clubs raclent les fonds de tiroir et que leurs joueuses doivent avoir un boulot d’appoint", ajoute-elle.
Le pénalty transformée par Eugénie Le Sommer
???????? @ELS_9_FRANCE's dramatic late winner for @equipedefrance...
Where to watch #WEURO2017 ???? https://t.co/zRVS6oOaoG pic.twitter.com/zzKUz1D4Wp
Les Bleues sous pression
Grâce à une belle exposition médiatique lors de l’Euro-2017, les dirigeants du football espèrent augmenter l’intérêt autour de ce sport et engranger des sponsors dans l’optique du Mondial-2019. Comme l’a souligné la capitaine française Wendie Renard, la diffusion TV est primordiale : "C’est important pour la vitrine du football français, parce que si on n’a pas de visibilité on ne peut pas dire qu’on veut développer notre discipline. On a la chance d’être médiatisées, par rapport à d’autres sports. Comparé au football masculin qui est le sport numéro 1, ce n’est pas grand-chose, mais sans ça on ne peut pas réussir à se développer".
Mais le palier le plus important à franchir pour les Bleues est celui de la victoire. Troisièmes au classement Fifa, les Françaises n’ont toujours pas décroché de titres. Sur le papier pour cet Euro, elles figurent parmi les favorites, malgré une entrée en matière compliquée et un succès obtenu à l’arrachée contre l’Islande (1-0). "Il fallait gagner, c'est ce qu'on a fait", a déclaré après la rencontre, l’attaquante Eugénie Le Sommer, qui a scellé la victoire sur pénalty. Efficace.
Adapté de l'anglais par Stéphanie Trouillard.