
Seule femme à avoir remporté la médaille Fields, la mathématicienne iranienne Maryam Mirzakhani est décédée, samedi, à l'âge de 40 ans. Émus, les médias iraniens lui ont rendu hommage, n'hésitant pas à publier sa photo sans le voile islamique.
Son portrait a fait la une des journaux iraniens… sans voile. Maryam Mirzakhani, génie des mathématiques et lauréate de la très prestigieuse médaille Fields, est décédée, samedi 15 juillet, aux États-Unis des suites d’un cancer du sein à l’âge de 40 ans. Émus par cette disparition, les médias iraniens n’ont pas hésité à outrepasser la loi qui oblige toute femme à se couvrir la tête en public.
روزنامه شهروند (دولتی)
روزنامه همشهری (شهرداری) pic.twitter.com/iSjCjz8AIc
Le président iranien, Hassan Rohani, s’est lui aussi fendu d’un message sur son compte officiel Instagram. Le religieux modéré a publié un cliché tête nue de la prodige des mathématiques, qui vivait aux États-Unis depuis presque vingt ans. Il a salué le rôle symbolique joué par Maryam Mirzakhani dans "la reconnaissance du talent des femmes et de la jeunesse iranienne à travers le monde".
Une publication partagée par Hassan Rouhani • حسن روحانی (@hrouhani) le 15 Juil. 2017 à 10h11 PDT
Une héroïne pour les jeunes Iraniens
Seule exception, la ville de Téhéran qui a affiché des portraits, mais voilée, de la scientifique cette fois. D’après l’un des membres du conseil municipal, la ville envisagerait même de renommer une des rues de la capitale en son honneur.
عكس يادبود مريم ميرزاخاني در چهارراه وليعصر(وليعهد) تهران ( عكس از آمدنيوز) #مريم_ميرزاخاني #تهران
Une publication partagée par Bijan Farhoodi (@bijannf) le 16 Juil. 2017 à 7h43 PDT
Si les responsables politiques et les médias ont salué la mémoire de Maryam Mirzakhani, c’est avant tout la jeunesse iranienne qui lui a rendu hommage sur les comptes Instagram. Artistes et designers de la nouvelle génération se sont réappropriés son portrait faisant d’elle une icône. "Elle était notre héros", écrit une jeune Iranienne sur le seul réseau social occidental autorisé en Iran.
Une publication partagée par The Tehran Times (@thetehrantimes) le 16 Juil. 2017 à 11h03 PDT
Une publication partagée par #goharnaz #گوهرنازالسلطنه (@goharnaz_design) le 15 Juil. 2017 à 10h18 PDT
She was our generation genius hero...:(#maryammirzakhani #mathmatics
Une publication partagée par Rabi Nouri (@rabinouri) le 16 Juil. 2017 à 22h02 PDT
Repérée dès l’âge de 17 ans lorsqu’elle remporte la médaille d’or aux Olympiades internationales de mathématiques, le génie des chiffres est recrutée quelques années plus tard par Harvard. Elle quitte alors son pays natal pour décrocher un doctorat en 2004 dans la prestigieuse université américaine, avec une thèse qualifiée de "chef-d’œuvre" par Stanford News. "La plupart des mathématiciens ne produiront jamais quelque chose d’aussi bon. […] Et elle l’a fait dès sa thèse", avait salué à l’époque un professeur de mathématiques de l’université de Chicago, Benson Farb. Elle passera successivement par Princeton puis Stanford où elle deviendra enseignante.
Mais c’est en 2014 qu’elle connaîtra la consécration suprême en remportant la médaille Fields qui récompense les mathématiciens de moins de 40 ans. Elle est d’ailleurs la première et la seule femme jusqu’à présent à avoir été récompensée par cette distinction, considérée comme le prix Nobel de la discipline.
Symbole de la fuite des cerveaux
Si la jeunesse iranienne s’identifie autant à Maryam Mirzakhani c’est sans doute parce qu’au-delà de son génie, elle représente cette nouvelle génération iranienne, urbaine et éduquée, issue de la classe moyenne et née après la révolution, qui aspire à la reconnaissance.
Fierté pour son pays, la mathématicienne illustre aussi le phénomène de fuite des cerveaux en Iran, où les jeunes sont les premières victimes d’un chômage à 27 %. Quelque 150 000 étudiants quittent chaque année le pays, dont de nombreux scientifiques. Des chercheurs que Téhéran peine à faire revenir, alors même que cet exode représente une perte en capital humain évaluée à plus de 120 milliards d'euros, d’après des chiffres de 2013.