
L'envoyé spécial pour le Brexit de la City de Londres accuse la France de tout faire pour fragiliser la place financière britannique, d'après un mémo obtenu par le tabloïd Daily Mail.
"Les intentions de la France sont claires comme de l'eau de roche : l'affaiblissement du Royaume-Uni, et la dégradation du statut de la City de Londres." Cette sévère mise en garde émane de Jeremy Browne, l'envoyé spécial de la City pour le Brexit, dans un mémo adressé au gouvernement de Theresa May, publié par le tabloïd britannique Daily Mail, dimanche 16 juillet.
Le représentant du quartier d'affaires londonien y relate à quel point la France est prête à tout faire pour réduire l'influence de la City afin d'en faire profiter Paris. Jeremy Browne met ce volontarisme sur le compte d'un "enthousiasme" post-élection d'Emmanuel Macron qui aurait fait légèrement tourner la tête des dirigeants français.
"Shocked"
Jeremy Browne a été tout particulièrement "shocked" par son entretien avec des représentants de la Banque de France (BdF), qui seraient des partisans d'un Brexit le plus dur possible. "Cette réunion a été la pire de toutes celles que j'ai eu en Europe", assène-t-il dans son mémo.
Les banquiers centraux français auraient fait comprendre à leur interlocuteur qu'une sortie tout en douceur du Royaume-Uni de l'Union européenne ne serait pas dans "leur intérêt".
Contactée par France 24, la Banque de France a une vision beaucoup plus nuancée de cette réunion qui ne s'est pas tenue en présence de François Villeroy de Galhau, son gouverneur. "Il n'y avait pas d'agressivité ou d'envie de polémiquer", affirme une porte-parole de l'institution.
Sur le contenu des discussions, elle précise que la Banque centrale était sur "les mêmes positions que les autorités françaises et européennes". Lors de la réunion, les représentants de la BdF auraient rappelé qu'ils déploraient l'issue du référendum, que si la voie du hard Brexit était confirmée, la City "perdra son passeport européen* et une partie des activités se relocalisera sur le continent".
Une manière de sous-entendre que des opportunités allaient se créer pour Paris et d'autres places financières européennes. Une version des faits dans laquelle les banquiers centraux apparaissent beaucoup moins comme les tirailleurs d'une France prête au combat pour mettre la City à terre.
Fog or Frog ?
La bataille pour ramasser les miettes d'un éventuel affaiblissement de la City de Londres à cause du Brexit se déroule en coulisse depuis le résultat du référendum britannique sur la sortie de l'UE. Francfort, Dublin et Paris ont tous affuté leurs arguments pour attirer les entreprises qui voudraient quitter la place financière londonienne pour continuer à bénéficier du passeport financier européen.

Peu après le vote britannique, Valérie Pecresse, présidente de la région Île-de-France, avait envoyé des lettres à près de 4 000 responsables d'entreprises britanniques pour vanter la "qualité de vie" à la Française. Le quartier d'affaires francilien de la Défense a lancé une opération séduction baptisée "Tired of the fog ? Try the Frogs" ("Fatigués du brouillard ? Essayer les mangeurs de grenouilles [surnom donné par les Anglais aux Français].
Jusqu'à récemment, la palme de l'attractivité avait été remise à la place financière allemande de Francfort. Mais Paris n'a pas baissé les bras. Le Premier ministre Edouard Philippe avait dévoilé une série de mesures pour renforcer les atouts français, le 7 juillet. Mais le mémo de Jeremy Browne suggère que la France va bien au delà d'un nouveau plan pour séduire les chefs d'entreprises britanniques puisqu'il affirme que Paris ne se gène pas pour "critiquer les propositions des places financières alternatives". De quoi faire passer les Français pour des perfides comploteurs...
*Droit pour les entreprises au sein de l'UE de vendre leurs produits et leurs services à l'intérieur du bloc européen.