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Ensaf Haidar, l'épouse de Raif Badawi, lance un appel pour "ne pas l'oublier"

Ensaf Haidar, l'épouse du blogueur saoudien Raif Badawi, emprisonné depuis 5 ans pour "insulte à l’islam", a appelé cette semaine le prince héritier Mohammed ben Salmane à "libérer son mari". Une occasion pour le royaume de redorer son image.

C’est un cri d’espoir qu’Ensaf Haidar, l’épouse du blogueur saoudien Raif Badawi, a lancé cette semaine dans le magazine Newsweek. "J’en appelle avec tout mon respect au prince héritier Mohammed Ben Salmane à écrire un nouvelle page de l’histoire de notre pays et à lancer un processus de réconciliation nationale avec les prisonniers de conscience saoudiens", a-t-elle plaidé dans une interview exclusive avec la revue américaine. "Mes enfants et moi espérons qu’[il] va libérer mon mari et l’autoriser à nous rejoindre au Canada” [où elle réside depuis 2013 avec ses trois enfants].

Cet appel est lancé cinq ans jour pour jour après le placement en détention de Raif Badawi. En juin 2012, le créateur du blog "Free Saudi Liberals" a été emprisonné pour avoir plaidé en faveur de plus de liberté en Arabie saoudite, régie par la charia. Il a ensuite été condamné en novembre 2014 à 10 ans de prison et à 1 000 coups de fouet pour "insulte à l'islam". Le blogueur de 33 ans, toujours incarcéré dans les geôles saoudiennes, est également menacé par de nouvelles séances de flagellation, malgré la suspension de l'application de la peine pour raison de santé.

Avec ce plaidoyer, Ensaf Haidar espère toucher le prince héritier nouvellement désigné, Mohammed ben Salmane. Âgé de 31 ans, le nouveau haut dirigeant du royaume wahhabite, reconnu pour être l’éminence grise du pays depuis plusieurs années, incarne la modernité. Il a lancé l'année dernière un vaste plan de réformes, Vision 2030, destiné selon ses propres termes à mettre fin à "l'addiction au pétrole" du pays et à diversifier son économie.

"Un dossier sans enjeu pour le royaume"

Ensaf Haidar espère que ce vent nouveau se répercute aussi sur le système judiciaire saoudien. "Nous allons tous regarder avec beaucoup d’attention et d’espoir les prochaines actions du jeune prince”, a-t-elle fait savoir.

Difficile de savoir si une telle démarche peut aboutir. "J’ai envie d’y croire, en tous cas", poursuit Clarence Rodriguez, correspondante pendant 12 ans en Arabie saoudite et auteure d’"Arabie saoudite 3.0, Paroles de la jeunesse saoudienne" (édition Erick Bronnier – à paraître en octobre), contactée par France 24. "En libérant Raif Badawi, le nouveau prince héritier, surnommé 'Prince du chaos', donnerait ainsi une image plus flatteuse de sa personne", ajoute la journaliste qui le qualifie de "caractériel, fougueux et impétueux".

"Il faut savoir que ce dossier est sans enjeu pour le royaume. C’est loin d’être leur priorité. Ils auraient tout à gagner à le faire", argue la spécialiste des pays du Golfe, qui soutient ouvertement la campagne de libération du blogueur. Mais est-ce pertinent de communiquer dans les médias ? "Habituellement, la stratégie est de rester discret car les autorités saoudiennes n’aiment pas trop la communication autour de ces affaires", reconnaît-elle.

Reste qu’aujourd’hui, cette action est surtout "un moyen de ne pas oublier Raif Badawi", souligne Clarence Rodriguez, qui ne cache pas sa colère de voir l’indifférence des médias face à cette situation. "Les médias se sont beaucoup intéressés à lui quand il a reçu le prix Sakharov du Parlement européen, en 2015. Depuis, ils l’ont oublié. C’est injuste !"