La Conférence épiscopale du Mali a possédé sept comptes bancaires chez HSBC à Genève, abritant montant de 12 millions d'euros, selon les documents de l'enquête SwissLeaks. Une révélation qui secoue l'institution religieuse du pays.
Les détonantes révélations de Swissleaks ébranlent à présent l’Église catholique du Mali. Les documents de la vaste enquête menée par un consortium de journalistes révèlent que la Conférence épiscopale du Mali (CEM) a entretenu entre 2002 et 2007 sept comptes bancaires en Suisse.
En cinq ans, le portefeuille a généré environ 12 millions d’euros, soit 7 milliards FCFA, placés chez HSBC Private Bank à Genève. Ce vaste système d’évasion fiscale met en cause trois des principaux prélats de l'Église catholique au Mali, dont Mgr Jean Zerbo, 73 ans, l'archevêque de Bamako, qui vient récemment d'être nommé cardinal par le pape François.
Une gestion opaque
Interrogé sur la provenance de l’argent, le dignitaire religieux a répondu à un journaliste du Monde qu'il émanait d'"un vieux compte". "Il s’agit d’un système que nous avons hérité de l’Ordre des missionnaires d’Afrique, qui géraient l'Église." Si les comptes sont effectivement anciens, l'argent n’a pas pour autant paisiblement dormi avant d'atterrir chez HSBC, loin s'en faut, passant du Crédit Lyonnais à Monaco au Crédit Agricole (CA), après le rachat du premier par le second, puis du CA au Crédit Foncier, devenu CFM Indosuez Wealth, devenu depuis une filiale de HSBC Private Bank, un établissement régulièrement au cœur de scandales internationaux ces dernières années.
Les trois écclésiastiques mis en cause ont, selon SwissLeaks, rencontré à plusieurs reprises des représentants de HSBC. Ces derniers expliquent qu'ils se sont mis d'accord avec l’archevêché pour confier la gestion d’une partie du portefeuille à la banque, ainsi que la capture de "50 % du portefeuille afin de pouvoir en optimiser la rentabilité".
Silence religieux
Aujourd’hui, l'Église catholique du Mali refuse toujours de divulguer le moindre chiffre sur son patrimoine. Elle n'a pas non plus voulu dire si ces sommes avaient été déclarées au fisc malien. Les deux autres primats impliqués au moment des faits, Mgr Jean Gabriel Diarra, 71 ans, président de la CEM, et Cyprien Dakouo, 60 ans, alors bras droit des évêques du Mali, qui réside en France depuis son éviction en 2012, ont chacun refusé de s’exprimer.
Dans un pays où 51 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où seulement 2,4 % de la population se revendique comme chrétienne, la détention de 7 milliards FCFA "cachés" passe mal. Du côté des fidèles, on fulmine : "Il y a une grande opacité dans la gestion des ressources de notre confession", indique un responsable de la jeunesse chrétienne de la rive droite de Bamako au Monde. "Cela fait des années que ça dure. Et ça commence à nous monter à la tête. Profitant de l’extrême passivité des fidèles, ils se permettent tout et ne rendent de comptes à personne."