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Moody's abaisse pour la première fois depuis 1989 la note de la Chine

Pour la première fois depuis la répression des manifestations de Tienanmen, en 1989, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de la dette souveraine chinoise.

Après s’être réveillée, la Chine s’apprêterait-elle à se rendormir ? L’agence de notation Moody’s a perdu de son optimisme à l’égard de la première puissance économique d’Asie. Pour la première fois depuis la répression des manifestations de Tienanmen en 1989, elle a décidé, mercredi 24 mai, d’abaisser d’un cran la note de la dette souveraine chinoise, la faisant passer du cran Aa3 à celui A1.

Une évaluation qui reste bonne puisque cette note correspond, dans le classement de Moody's, à un “faible risque” pour les investisseurs. Il n’en demeure pas moins que la Bourse de Shanghai a mal réagi à cette annonce, perdant plus de 1 %, mercredi matin.

Décision “inopportune”

“La solidité financière de la Chine va quelque peu s’éroder au cours des années à venir, la dette continuant à s’alourdir, tandis que le potentiel de croissance diminue”, a justifié l’agence de notation. D’après elle, le PIB chinois ne devrait croître qu’à un rythme de 5 % par an, bien moins que les projections de Pékin, qui table sur une croissance annuelle de 6,5 %.

Moody’s s’est immédiatement attiré les foudres de Pékin, qui lui a reproché une décision “inopportune”. Le régime tente actuellement de rassurer les investisseurs sur la solidité de son économie. L’annonce en janvier d’un taux de croissance de 6,7 % pour 2016, le plus bas en 25 ans, avait réveillé les craintes sur le ralentissement de la locomotive économique chinoise.

L’abaissement de la note relance le débat autour d’un problème persistant de l’économie chinoise : celui de la dette totale du pays (publique et privée). Elle représente 277 % du PIB, et progresse très vite. En outre, le fardeau de cette dette pèse surtout sur les épaules des entreprises. Ces dernières années, elles ont emprunté jusqu’à plus soif avec la bénédiction du régime. “Pékin a mené une politique quantitative, qui a consisté à accorder des plafonds élevés de crédit aux banques pour qu’elles aient les moyens de prêter aux entreprises”, rappelle Mary-Françoise Renard, directrice de l'Institut de recherche sur l'économie de la Chine (IDREC), contacté par France 24. Conséquence : fort endettement et de surcapacité de production sont les deux principaux maux du tissu économique.

En parallèle à ce circuit officiel du crédit s’est aussi développée une finance de l’ombre de plus en plus importante. “Les banques traditionnelles ont pour consigne de prêter en priorité aux grands groupes publics, ce qui fait que les PME et TPE ont dû se tourner vers d’autres sources de financement”, explique Mary-Françoise Renard. De plus en plus de structures non bancaires et non soumises aux mêmes règles de transparence se sont mises à prêter de l’argent. Impossible, donc, de connaître l’importance réelle de la dette, ce qui inquiète au plus haut point des institutions internationales comme le Fonds monétaire international et la Banque des règlements internationaux.

Rythme des réformes

Pékin assure avoir la situation sous contrôle mais Moody’s ne partage pas cet optimisme. “La véritable raison de la baisse de la note chinoise est que quelles que soient les réformes chinoises, elles prendront du temps et la dette va continuer à progresser”, assure l’économiste française.

Difficile, en effet, de taper un grand coup dans la fourmilière du crédit au risque d’entraîner une forte hausse du chômage. Couper le robinet du financement obligerait un grand nombre d'entreprises à faire des économies et pénaliserait la croissance à court terme. Après les chiffres économiques décevants de janvier, Pékin n’a pas intérêt à se tirer une balle dans le pied.

L’approche plus graduelle préconisée par les autorités chinoises est plus séduisante mais “handicape la croissance à moyen-terme”, résume Mary-Françoise Renard. Moody’s incite implicitement la Chine à accélérer le rythme des réformes (resserrer la politique du crédit, assainir les finances des banques), quitte à prendre le risque de déclencher des troubles sociaux si la méthode forte déclenche des faillites en série et une explosion du chômage.

Pékin peut néanmoins s’offrir le luxe que beaucoup d’autres pays, comme la Grèce, n’ont pas : ignorer les conclusions de Moody’s. Les notes des agences n’importent qu’aux États qui ont besoin de lever des fonds sur les marchés financiers internationaux où les prêteurs établissent les taux d’intérêt en suivant de très près l’avis des agences de notation. La quasi-totalité de la dette chinoise est entre les mains de Chinois qui n’ont que faire des avis de Moody’s.