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Maire apprécié et député peu assidu, le bilan mitigé d’Édouard Philippe

Méconnu du grand public, Édouard Philippe est député-maire du Havre depuis 2012. Si ses administrés ont apprécié ses grands projets pour cette cité portuaire, son bilan sur les bancs de l’Assemblée semble moins glorieux.

Pour se faire une idée du bilan politique d’Édouard Philippe, il faut d’abord regarder du côté du Havre, ville dont il est maire depuis 2010. À l’époque, il prend la succession de l'édile UMP Antoine Rufenacht qui, en 1995, a ravi la municipalité, le plus grand bastion communiste de France. Quatre ans plus tard, le maire Les Républicains (LR) réussit à se faire réélire dès le premier tour, avec 52 % des suffrages.

Pour cause, ce petit fils de docker "très attaché au Havre", dit-on dans son entourage, poursuit avec succès les projets amorcés par son prédécesseur dans les années 2000 sur la grande transformation de la ville. Il finalise notamment deux projets en cours : l'arrivée du tramway en 2012 qui relie la ville haute et la ville basse et la création du nouveau stade Océane. Il œuvre également à la rénovation du Quai Southampton, lieu emblématique de cette cité portuaire.

"Un type qui aime que les choses soient rondement menées"

Parmi ses autres réussites : le Carré des Docks, un centre des congrès qui permet d'accueillir d’importants rassemblements, le développement du port de plaisance, et surtout de gros investissements dans les terminaux de croisière. Il a également entrepris le réaménagement du front de mer, qui se terminera en 2020, et doit lancer "Un été au Havre, 2017", cinq mois de fête à l’occasion des 500 ans de la fondation de la cité par François 1er.

Sa nomination à Matignon arrive à point nommé pour cet évènement qui doit débuter le 27 mai. "Ça tombe bien, le nouveau Premier ministre est un type qui aime que les choses soient rondement menées", glisse un acteur du tourisme à la Voix du Nord.

Reste que le 23 avril dernier, lors du premier tour de l’élection présidentielle, ses administrés affichent leur préférence pour Jean-Luc Mélenchon (29,81 %). Emmanuel Macron arrive, lui, en deuxième position (21,42 %) et François Fillon en quatrième position (14,92 %).

Un taux de chômage en hausse

Des résultats qui peuvent s’expliquer au regard de la situation économique de la ville industrielle : le chômage, qui frôle en 2016 les 13 %, n’a cessé de grimper depuis l'arrivée à la mairie d'Édouard Philippe. De sa mandature, Nathalie Nail, conseillère municipale communiste, retient surtout des mesures fiscales jugées trop libérales. Elle lui impute entre autres "le délaissement des quartiers, un prix de l’immobilier inaccessible en centre-ville, et la casse du service public", a-t-elle énuméré dans Le Parisien, avant d'ajouter : "C'est un maire de la baisse du pouvoir d'achat pour les Havrais". 

À la mairie du Havre, certains détracteurs évoquent également "le manque de transparence et de démocratie dans le Conseil municipal". La liste municipale "Pour une nouvelle gauche" s'est notamment insurgée contre les travaux de rénovation du stade inauguré en 2010, jugés "aussi inutiles [que] budgétivores".

Mauvais élève à l’Assemblée

Qualifié de "maire qui ne délègue pas" par ses détracteurs, Édouard Philippe semble bien moins impliqué à l'Assemblée nationale. Le député LR de la 7e circonscription de Seine-Maritime s’illustre avant tout par son manque d’assiduité sur les bancs de l'Hémicycle avec seulement dix interventions en cinq ans. Le parlementaire figure parmi les moins bien classés, d'après les données de nosdéputés.fr, un site indépendant qui répertorie toutes les données disponibles sur le travail parlementaire (cliquez pour agrandir).

Entre ses interventions en séance, ses propositions de loi, ses questions orales et écrites ou encore sa présence en commission, le député de 46 ans se classe parmi les 150 députés les moins productifs. Il a été en commission, ou a pris la parole dans l’hémicycle 113 semaines sur les 204 de son mandat – l'un des plus faibles ratios de l'Assemblée.

À l’image de sa famille politique, Édouard Philippe s’est prononcé contre la loi de 2014 qui interdit le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat de député ou de sénateur. Or, le nouveau président de la République a promis le respect de ce texte, et son renforcement : il prévoit d’interdire le cumul des mandats dans le temps. S'il n'avait pas été nommé à Matignon, Édouard Philippe avait prévu de renoncer à son siège à l’Assemblée pour se concentrer sur son rôle de maire.

Contre la transparence de la vie publique

Parmi ses prises de positions, le député LR s’est toutefois illustré en votant contre la loi sur la Haute Autorité de la transparence de la vie publique (HATVP), adoptée en 2013. Il a également voté contre la loi relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière, qui a notamment créé le Parquet national financier.

À titre personnel, il s’est d'ailleurs fait remarquer pour son manque de respect de la transparence de la vie publique. Selon des informations révélées par Mediapart, le parlementaire ne s’est pas soumis aux règles en vigueur depuis la loi de 2013. Appelé à remplir sa déclaration de patrimoine en 2014, et notamment à estimer la valeur de son appartement à Paris, il se contente d’indiquer "aucune idée". Même réponse concernant sa propriété en Indre-et-Loire et celle de sa résidence en Seine-Maritime. Dans le champ rémunération, il inscrit : "Je ne suis pas certain de comprendre la question".

Sa désinvolture lui vaut un "blâme" de la part de la HATVP, qui constate des "manquements d’une certaine gravité". "Comme beaucoup de parlementaires sans doute, j’ai essayé de concilier le respect de la loi et une forme de mauvaise humeur", se justifie-t-il devant les journalistes de Mediapart. Emmanuel Macron a pourtant prévu de renforcer la moralisation de la vie publique.