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"Édouard, mon pote de droite" : portrait intime d'un ambitieux

Le nouveau Premier ministre Édouard Philippe a été filmé par un ami de jeunesse réalisateur durant sa campagne électorale de 2014 pour conserver la mairie du Havre. Un portrait éclairant.

Ils se sont rencontrés en 1988 en hypokhâgne dans un lycée parisien. L’un est devenu journaliste et réalisateur de documentaires, l’autre a été nommé Premier ministre lundi 15 mai par Emmanuel Macron. Entre-temps, depuis 2004 exactement, le réalisateur Laurent Cibien a régulièrement filmé son "pote de droite" Edouard Philippe. Dans son documentaire diffusé mardi soir sur France 3 et disponible sur les plateformes vimeo et tenk, on voit ainsi pendant 82 minutes le futur Premier ministre faire campagne 40 jours durant, entre février et mars 2014, pour conserver son fauteuil de maire du Havre.

Car à l’époque c’est bien le maire du Havre - son "seul pote qui fait de la politique" - qu’entreprend de filmer Laurent Cibien : "En 2004, Edouard Philippe était directeur général de l’UMP. Je ne me suis jamais dit : 'Dans 13 ans, ce gars-là sera nommé Premier ministre par Macron'", explique-t-il à France 24. Pas de "pari sur un destin", donc, mais la volonté de "comprendre le pouvoir en France et la manière dont se construit une carrière politique, avec ses victoires, ses défaites…".

À l’époque, comme il y a à peine un mois encore d’ailleurs, la notoriété d’Edouard Philippe, lieutenant d’Alain Juppé, est de toute façon sans commune mesure avec celle des autres quadras de l’UMP comme Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez ou François Baroin.

Pour autant, "ce n’était pas un élu local. Il avait fait l’ENA, il était ambitieux, il avait un potentiel national… comme d’autres", estime Laurent Cibien. C’est cette ambition que raconte le documentaire. L’ambition d’être réélu à la mairie du Havre, d’abord, après s’être vu offrir, en 2010, le poste sur un plateau par Antoine Rufenacht, 71 ans, qui en avait fait son successeur désigné après quinze ans de mairie. L’ambition surtout, au-delà de cet enjeu politique immédiat, d’acquérir "la légitimité nécessaire pour aller jouer dans la cour des grands".

En le filmant au plus près, à la rencontre de ses administrés, à son cours de boxe ou dans son bureau de la mairie en train de parapher en musique des documents, Laurent Cibien propose une succession de séquences dont il revient au spectateur de tirer la conclusion de son choix. Comme lorsqu’Edouard Philipe dévoile devant des enfants sa conception de la politique : "Il y a ceux qui aiment bien conduire et ceux qui aiment bien être conduits. En fait, la politique c’est pareil : Est-ce que vous avez envie d’être celui qui prend les décisions plutôt que celui qui les subit ?".

Le lien entre le réalisateur et son "pote" de "personnage" est assumé : "Je crois que c’est à travers la subjectivité que l’on peut trouver l’objectivité et l’universel", estime Laurent Cibien.

"Episode 1 : Le Havre", stipule l’affiche du documentaire. Car il y aura une suite : "le premier épisode était sur le maire du Havre, le suivant sera sur le porte-parole d’Alain Juppé durant la primaire des Républicains". Un deuxième épisode tourné mais dont le montage n’a pas débuté : "l’actualité est un peu perturbante pour moi", justifie le réalisateur. Un épisode 3 sur un Premier ministre ? "Matignon est un lieu intéressant, mais à ce stade je n’en suis pas là", dit Laurent Cibien, avant d’ajouter : "et pour lui, ce n’est certainement pas la priorité".