Inconnu en France, le militant pro-Trump Jack Posobiec qui a tenté d'imposer les soi-disants "MacronLeaks" dans la dernière ligne droite de la présidentielle française pour discréditer Emmanuel Macron, s'est forgé une réputation outre-Atlantique.
Marine Le Pen a perdu… Tout comme Jack Posobiec. Ce militant américain pro-Trump voulait influer sur la présidentielle française en postant sur Twitter, 48 heures avant l’élection, un lien vers 9 gigaoctets de documents de campagne – dont l’authenticité doit encore être vérifiée – d'Emmanuel Macron. Le candidat du mouvement En Marche ! a été élu, malgré cela, avec 66,1 % des votes, dimanche 7 mai. Jack Posobiec n’en a pas moins semé une pagaille inédite dans l’histoire électorale française.
Le timing était parfait. À quelques heures du début de la "période de réserve", les soi-disants documents de campagne d’Emmanuel Macron étaient apparus sur la section politique ouvertement pro-Trump et d’extrême-droite du forum 4Chan, puis sont très rapidement relayés par Jack Prosobiec. Tenus par les obligations légales, les médias – dont France 24 – n’ont pas pu revenir sur ces "révélations". Les partisans de Marine Le Pen ont alors eu le champs libre sur les réseaux sociaux pour diffuser aussi largement et rapidement que possible les rumeurs autour des documents de campagne, baptisés par ces trolls numériques "MacronLeaks", dans un dernier effort pour barrer la route à l'adversaire de leur championne.
Militant "slavright"
Un exercice de cyberpropagande dans lequel Jack Prosobiec excelle. Il a mitraillé les plus de 100 000 abonnés à son fil Twitter de messages où il mélange théories du complot – les médias travailleraient de concert avec Emmanuel Macron –, et affirmations péremptoires sur la vie privée "cachée" du candidat d’En Marche ! et sa supposée volonté de régulariser tous les immigrés clandestins. En quelques heures, ce fervent supporter du président américain Donald Trump s’est transformé en fan numéro 1 de Marine Le Pen.
Inconnu en France, il s’est déjà forgé une petite réputation aux États-Unis. Il a été directeur des "opérations spéciales" du mouvement Citizen for Trump, et travaille pour le site canadien ultra-conservateur Rebel Media. Mais c'est son rôle dans plusieurs "fake news" (informations trompeuses) et théories du complot qui l’ont propulsé comme l’une des figures de premier plan de l’alt-right (droite "alternative" et suprémaciste). Il préfère se qualifier de "slavright", une sorte de sous catégorie de l’alt-right [pour alternative right, mouvance droitière faisant la part belle au suprématisme blanc], tout aussi xénophobe mais qui puiserait ses racines dans les pays d'Europe de l'Est.
L’énergumène a du métier dans la diffusion de rumeurs. Sur son terrain de bataille favori, Twitter, il a lancé le hashtag #DumpStarwars, qui a connu son heure de gloire juste après l’élection américaine. Jack Posobiec l’utilisait pour appeler au boycott du film "Rogue One" dont le scénario, affirmait-il, avait été réécrit pour inclure des scènes anti-Trump. Face à la persistance de la rumeur, le scénariste du long métrage, Chris Weitz, avait publié sur son compte twitter un démenti officiel.
Des pizza et des pancartes
Jack Posobiec est aussi lié à l’affaire du "pizzagate", cette farfelue théorie du complot selon laquelle une pizzéria de Washington servait de façade à un réseau de pédophiles impliquant des personnalités du parti démocrate proches d’Hillary Clinton. Il n’en est pas à l’origine – elle provient de 4Chan –, mais il l’a entretenue en allant filmer sur place un dîner d’anniversaire d'enfants qu’il a retransmis en direct sur Périscope (le service vidéo en direct de Twitter). Effet garanti.
Il est une autre manipulation dont Jack Posobiec serait l’instigateur, d’après le site Buzzfeed. Une semaine avant l’élection américaine, en novembre 2016, une photo montrant une pancarte appelant à violer Melania Trump, brandie lors d’une manifestation anti-Trump, est devenue virale sur les réseaux sociaux. Ce cliché était censé démontrer la violence des opposants au futur président américain, mais l’opération aurait en réalité été manigancée de bout en bout par Jack Posobiec. Buzzfeed a en effet pu consulter des messages téléphoniques indiquant qu’il a confectionné lui-même la pancarte. L’agité du tweet a nié en bloc ces accusations.
Pourtant, ce militant pro-Trump a reconnu auprès du site du New Yorker, le 6 mai, avoir eu recours à ce genre de procédé. Jack Posobiec a expliqué au célèbre magazine qu’il se voyait comme un "journaliste activiste" qui n'hésite pas à se "mêler à une manifestation anti-Trump pour scander des slogans anti-Clinton afin de voir et rapporter ce que ça donne". En France, il a ainsi réussi à jeter un ultime trouble dans une campagne marquée par la violence de l'affrontement Macron-Le Pen.