Des cinq principaux candidats à la présidentielle, c’est lui qui récolte le plus de votes négatifs sur ses vidéos. Ses rivaux Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont des communautés mieux organisées : il est devenu l’homme à abattre.
Les youtubeurs passionnés de politique l’ont peut-être déjà remarqué : les vidéos YouTube d’Emmanuel Macron sont pleines de "pouces en bas", autrement dit, de votes négatifs. C’est frappant, et c’est beaucoup plus prononcé que pour d’autres candidats. Si l’on regarde par exemple les 10 dernières vidéos de la chaîne En marche, publiées entre le 14 et le 19 avril, seules cinq vidéos ont plus de pouces positifs que de pouces négatifs.
L’une des vidéos les plus importantes, puisqu’elle concerne son meeting à Bercy, l’un des évènements majeurs de ces derniers jours de campagne pour l’équipe du candidat, récoltait même près de 6 400 "pouces en bas", contre environ 1 700 "pouces en haut" au moment d’écrire cet article.
Tiens sur la vidéo du meeting de Macron y'a plus de pouces négatifs que de pouces positifs... https://t.co/9rQOt677nz pic.twitter.com/8VvwU1SUDR
— Aude Lorriaux (@audelorriaux) 17 avril 2017
Mélenchon, roi du pouce bleu
A contrario, si on regarde les chaines YouTube des quatre autres principaux candidats, et plus particulièrement leurs dix dernières vidéos, on s’aperçoit que Jean-Luc Mélenchon récolte systématiquement plus de pouces en haut (ou bleus) que de pouces en bas. Les ratios sont impressionnants : entre 20 et 70 fois plus de votes positifs que de votes négatifs. Les dix dernières vidéos de la chaîne Marine 2017 ont elles aussi toutes plus de pouces en haut, tout comme celles de Benoît Hamon (même si elles ne récoltent pas un nombre de vues très folichon, le ratio est positif).
Pour François Fillon, c’est un peu différent : sur trois vidéos, les commentaires et le compteur de pouces a été rendu invisible, ce qui laisse supposer que les commentaires et les "likes" n’étaient pas très encourageants. Mais trois sur dix, c’est tout de même mieux que les cinq vidéos à ratio négatif d’Emmanuel Macron, ce qui peut surprendre étant donné que le candidat d’En marche récolte à la fois plus d’intentions de vote que celui du parti Les Républicains, et qu’il est aussi bien plus haut en terme de côte de popularité.
"On est moins organisés que les trolls"
Ce n’est pourtant pas faute pour le compte d’Emmanuel Macron de faire un effort : il "fait régulièrement appel aux emojis et aux textos pour expliquer une mesure de son programme", comme le remarque Slate.fr dans un article fouillé sur les candidats et leur présence sur YouTube.
"Notre mouvement a moins d’un an !", tente d’expliquer Mounir Mahjoubi, le responsable de la campagne numérique d’En Marche. Si Emmanuel Macron accumule de mauvais scores sur YouTube, ce serait donc à cause de la relative nouveauté de son mouvement, qui n’a pas eu le temps de constituer une véritable communauté. "Sur YouTube on est moins nombreux et moins organisés que les trolls", lâche aussi Mounir Mahjoubi.
Des Insoumis s’organisent contre Macron
L’argument de la nouveauté peut sembler insuffisant pour expliquer tous ces pouces négatifs, puisqu’après tout Emmanuel Macron, tout aussi jeune que soit son mouvement, a plus d’abonnés YouTube (près de 14 300) que n’en ont Benoît Hamon (7 400) ou François Fillon (7 500). En revanche, comme le suggère Mounir Mahjoubi, l’hypothèse plus probable vient peut-être de ses rivaux, qui, en étant largement plus puissants que lui sur YouTube, ont aussi une force de nuisance plus grande.
Avec respectivement 20 000 abonnés et 304 000 abonnés, Marine Le Pen et surtout Jean-Luc Mélenchon ont des soutiens capables de "liker" en masse leurs vidéos… mais aussi de décerner des "mauvais points" à ceux d’en face. "On a quand même une communauté YouTube développée et spontanément c’est ce qu’ils vont chercher à faire...", concède Romain Jammes, responsable national des groupes d’appui dans l’équipe de Mélenchon, qui prévient néanmoins que "rien n’est organisé" dans l’équipe de la France insoumise pour nuire à Emmanuel Macron. Le groupe Discord des Insoumis invite quand même régulièrement ses membres à retweeter ou liker des contenus anti-Macron, dont voici quelques exemples parmi de nombreux qu’on peut trouver sur le site :
Et certains ont affirmé "polluer son live" lors du meeting de Bercy, lundi dernier :
Les "patriotes" organisent des "raids"
Qu’en est-il du côté du Front national, dont la candidate Marine Le Pen est l’adversaire la plus directe d’Emmanuel Macron, puisque la plupart des sondages pronostiquent un deuxième tour entre eux ? "Chez nous, il y a des groupes qui essaient de suivre tout ça mais on est plus à pousser nos propres productions (qu’à mettre des commentaires négatifs sur celles d’Emmanuel Macron, ndlr)", nous répond Gaëtan Bertrand, responsable du pôle numérique de Marine Le Pen. Sans nous en dire plus sur les "groupes qui essaient de suivre tout ça" et en nous renvoyant à la "Patriotes sphère", ces multiples groupes de soutiens du Front national qui gravitent sur les réseaux sociaux.
Les opérations anti-Macron sont légion du côté de cette sphère pro-FN. En février, Libération avait montré comment les trolls "patriotes" avaient lancé une opération anti-Macron, intitulée #LeVraiMacron, sur les réseaux sociaux. Un "raid" #LePionMacron avait aussi été organisé sur le forum Discord, comme l’a montré Le HuffPost.
Bref, si les vidéos d’Emmanuel Macron récoltent autant de pouces en bas, c’est peut-être parce que sa communauté est récente et peu nombreuse. Mais c’est aussi et surtout parce qu’il est devenu le favori de cette élection présidentielle. Et donc, aux yeux de ses rivaux mélenchonistes et lepénistes, plus nombreux et organisés sur YouTube, "l’homme à abattre".
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