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La percée du candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon a entraîné une inquiétude des marchés financiers, bien plus marquée qu'après la montée de Marine Le Pen. Un effroi de la Bourse que les économistes analysent différemment.

Il apparaît comme le nouvel épouvantail des marchés financiers. La percée politique de Jean-Luc Mélenchon – dont la présence au deuxième tour est devenue crédible pour certains sondeurs – ne semble pas plaire aux investisseurs. La semaine dernière, l’écart entre le taux d’intérêt des obligations françaises à dix ans et des obligations allemandes – l’un des indicateurs qui reflètent l’attractivité d’un pays – était “à son plus haut depuis six semaines”, souligne le Wall Street Journal. La faute à la popularité croissante du candidat de la France Insoumise, d’après le quotidien économique américain, ou selon Les Échos, qui évoque un “risque Mélenchon”.

Les investisseurs avaient déjà réagi avec inquiétude lorsque, en début d’année, la candidate frontiste Marine Le Pen s’était imposée comme l’une des favorites du premier tour de la présidentielle. L’écart entre les taux français et allemands s’étaient, là aussi, creusé. Ce qui traduit la crainte des marchés financiers d'une poussée électorale des extrêmes, qu’ils soient de gauche ou de droite. D'ailleurs, les investisseurs japonais – “traditionnellement très friands de titres français”, rappelle le Wall Street Journal – se sont délestés de 13,74 milliards de dollars de bons du Trésor tricolore depuis le début de l’année.

Le Pen bénéficie de l’effet Trump et Brexit

Mais ces boursicoteurs “ont eu une réaction encore plus forte à la montée en puissance électorale de Jean-Luc Mélenchon qu’à celle de Marine Le Pen”, constate Pascal de Lima, économiste en chef du cabinet de conseil EconomicCell, contacté par France 24. Les marchés financiers semblent donc encore moins à l’aise avec une France Insoumise qu’avec une France protectionniste aux relents xénophobes promise par la candidate du Front national.

À cela, Pascal de Lima voit plusieurs raisons possibles. La première est d’ordre programmatique. Les propositions de Jean-Luc Mélenchon “ressemblent à une attaque frontale contre les riches, avec une taxation à l’avenant, l’accent mis sur l’interventionnisme économique de l’État et un chapelet de mesures qui semblent souvent être anti-patrimoines”, explique l'économiste. Marine Le Pen, par comparaison, semble beaucoup plus “capitalo-compatible”, malgré sa promesse du retour au franc “qui est, à elle seule, un énorme point noir pour les investisseurs”, note Pascal de Lima. Il rappelle “qu’elle soutient le crédit d’impôts pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et évoque des baisses d’impôt”.

Marine Le Pen bénéficierait aussi de l’effet Trump et Brexit. “Elle est, à tort ou à raison, assimilé sur les marchés à une sorte de Donald Trump à la française. Les investisseurs ont prouvé que l’arrivée au pouvoir d’un populiste, qui plus est aux États-Unis, n’a pas fait s’effondrer les Bourses mondiales”, souligne Pascal de Lima. Avec Marine Le Pen, les acteurs des places de marchés se sentiraient davantage en terrain connu, tandis que le candidat de la France Insoumise fait figure de “terra incognita”, suscitant une incertitude qui déplaît aux financiers.

Retour à la normale

Mais c’est surtout une certaine accumulation qui expliquerait la récente flambée d’inquiétude des marchés. Ces derniers redoutent par dessus tout un affrontement entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen au second tour. "C’est le pire des scénarios, du point de vue des places boursières", expliquent des analystes de la Société Générale dans une note rédigée mardi 12 avril et citée par le Wall Street Journal. Pascal de Lima confirme : "La conséquence économique d’un tel affrontement est qu’on est sûrs, quel que soit le gagnant, qu’il y aura une forme de remise en cause de la politique économique européenne, ce qui fait horreur aux investisseurs."

Pour Jean-Luc Mélenchon, cette réaction des marchés a été montée en épingle par des médias et un monde des affaires qui seraient prêt au "tout sauf Mélenchon". “Ils font ça pour faire peur, pour impressionner [les électeurs, NDLR]”, a assuré le candidat lors d’un meeting à Lille, le 12 avril (à partir de la 35e minute). Sur le site officiel, les équipes de la France Insoumise ont, d’ailleurs, répondu plus en détails à cette mise en garde des marchés financiers. L’écart entre les taux allemands et français “étaient à son maximum, le triple d’aujourd’hui, en novembre 2011, lorsque François Fillon était Premier ministre !”. Exact, mais à l’époque, la crise de la zone euro battait son plein et la France risquait, avec l’Italie ou l’Espagne, d’être rattrapée par la crise de la dette.

D’autres économistes estiment aussi qu’il ne faut pas surévaluer l’”effroi” suscité par Jean-Luc Mélenchon sur les marchés financiers. Christophe Donay, économiste en chef du cabinet de gestion de fortune Picter Wealth Management, rappelle dans le journal suisse Le Temps qu’il y a un retour à la normale boursière. L’écart entre les taux d’intérêt s’est stabilisé ces derniers jours. Si le candidat de la France Insoumise suscitait vraiment de la peur “c’est l’inverse qui se produirait”, assure-t-il. Jean-Luc Mélenchon est certes apparu comme un épouvantail sorti de nulle part pour les investisseurs, mais à y regarder de plus près, ces derniers ne le trouvent peut-être pas aussi effrayant que ça.