À Kourou, les représentants de la manifestation ont pénétré à l'intérieur du Centre spatial guyanais pour y présenter les revendications des manifestants au directeur du centre.
Deux semaines après le début de la fronde sociale en Guyane, la pression ne redescend pas. Alors que des milliers de Guyanais ont organisé un sit-in à Kourou, mardi 4 avril, une trentaine de délégués ont décidé d'occuper le site du Centre spatial guyanais (CSG) pour interpeller son directeur, Didier Faivre.
"Nous ne bougerons pas d'ici. La situation est figée, la Guyane est bloquée. Vous êtes bloqués. Nous voulons les milliards que nous avons demandés", a clamé Manuel Jean-Baptiste, un membre du collectif Pou La Gwiyann dékolé (Pour que la Guyane décolle, en créole), qui regroupe l'ensemble des mouvements protestataires. "Vous nous dites que le CSG est un bien de la République. Nous sommes la République. Votre bien est notre bien", a-t-il ajouté.
"Nous ne bougerons pas. Aucune fusée ne pourra décoller sans que nous ayons une réponse à nos revendications", a clamé Youri Antoinette, un autre membre du collectif. "Ça paraît gros un milliard, mais par rapport au retard que nous avons, ce n'est rien", a-t-il estimé. Olivier Goudet, un porte-parole des 500 Frères contre la délinquance, un groupe central dans le mouvement social guyanais, avait réclamé dimanche 2,5 milliards d'euros.
"Le message est parfaitement compris. Mais je ne peux m'engager à rien", leur a répondu Didier Faivre, avant de s'éclipser.
Les manifestants sont massés sur le rond-point qui mène au site du Centre spatial de Kourou, devenu la ville symbole de ce mouvement de protestation. "C'est ici que le mouvement est né il y a quinze jours", rappelle Fanny Lothaire, envoyée spéciale de France 24 en Guyane. "À Kourou, la fusée décolle, mais on n'en bénéficie pas", peste un habitant de la ville, en marge du sit-in géant.
"Quand je suis arrivée ici, on laissait la maison grande ouverte. Petit à petit, les choses se sont dégradées. À Kourou, la population s'est appauvrie, le pouvoir d'achat a baissé. On s'adapte à la situation, mais ce n'est pas normal", confie Claire Talloneau, une comptable de 63 ans, depuis 35 ans en Guyane.
"Blancs, créoles et Amérindiens sont réunis dans le calme", précise-t-elle. Les grévistes, "qui entendent faire de ce mouvement un moment historique", ont multiplié les slogans : "Pas d'école, pas de décollage", "pas de santé, pas de fusée". D'autres portent un t-shirt noir sur lequel est inscrit "Nou bou ké sa" ("On en a marre"). Des Amérindiens, coiffés de chapeaux à plume, portent des t-shirts rouges. Des banderoles sont brandies sur lesquelles on peut lire : "Le social se meurt, la délinquance demeure" ou "On assassine le social, dernière sommation".
"Rapport de force avec l'État"
"Il faut que la voix du peuple guyanais réuni soit plus forte que celle de l'État", lance au mégaphone Francis Nugent, artiste et enseignant guyanais. Les manifestants protestent contre les propos de Bernard Cazeneuve, qui a appelé lundi à "refuser la démagogie" de ceux qui, à Paris comme à Cayenne, "réclament des milliards". Le collectif Pou La Gwiyann dékolé avait annoncé dimanche un durcissement de la mobilisation, expliquant entrer "dans un rapport de force avec l'État".
Ce mouvement social, d'une ampleur inédite dans le département, est basé sur des revendications sécuritaires, économiques et sociales, ainsi que sur la méfiance face à l'État, accusé de sous-investissement depuis des décennies.
Avec AFP