Le Sénat a adopté, mercredi soir, le projet de loi Hadopi 2 contre le téléchargement illégal. Cette nouvelle version du texte modifie le volet répressif du projet de loi initial, censuré par le Conseil constitutionnel le 10 juin.
AFP - La nouvelle version du projet de loi contre le piratage sur internet Hadopi 2 a commencé mercredi son oral de rattrapage avec son adoption au Sénat, après sa censure par le Conseil constitutionnel.
La majorité sénatoriale a adopté ce projet cher au président Nicolas Sarkozy à l'issue d'un débat sans passion.
La gauche a voté contre un texte "inutilement répressif", qui a été voté par 189 voix contre 142. Seulement 17 amendements avaient été déposés.
Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand (Culture) s'est félicité après le vote d'une "étape décisive pour les créateurs".
"Il est temps de franchir l'étape de l'Assemblée nationale et quand tout cela aura été fait nous entamerons la troisième étape, c'est à dire l'étape de la discussion pour la meilleure rémunération des créateurs et pour la meilleure diffusion des offres à l'usage des internautes", a-t-il ajouté.
Le texte complète le dispositif pénal du projet de loi Création et internet (Hadopi 1) censuré dans sa partie répressive par le Conseil constitutionnel le 10 juin.
Conformément aux exigences des Sages, Hadopi 2 confie à la justice le pouvoir de couper l'abonnement et non plus à l'autorité administrative Hadopi, comme le prévoyait le volet censuré.
Hadopi sera chargée de signaler au juge les contrevenants après leur avoir envoyé deux avertissements, par courriel puis lettre recommandée.
Le juge pourra prononcer trois peines: la suspension de l'abonnement d'un an maximum, une amende jusqu'à 300.000 euros et deux ans d'emprisonnement. Les deux dernières répriment déjà le délit de contre-façon.
La procédure sera celle de l'ordonnance judiciaire (jugement sans audience publique) et devant un juge unique (au lieu de trois).
L'internaute "négligent" laissant un tiers pirater avec son accès internet risquera une amende de 1.500 euros et un mois de suspension. Si l'abonné sanctionné se réinscrit auprès d'un autre fournisseur d'accès (FAI), il encourra 3.750 euros d'amende.
L'inscription au casier judiciaire ne sera pas systématique et les données détruites une fois l'accès internet rétabli. L'internaute sanctionné continuera de payer son abonnement et supportera les frais de résiliation.
Serge Lagauche (PS) s'est déclaré "sceptique sur l'efficacité" du texte, le jugeant "insuffisant pour faire basculer les internautes vers les offres légales".
"Cette loi ne réglera rien ni pour les internautes ni pour les auteurs," a lancé Jack Ralite (PCF). "C'est un bricolage juridique indigeste, inapplicable," a renchéri Alima Boumediene-Thiery (Verts, app PS).
L'opposition a fustigé le recours à l'ordonnance judiciaire et estimé que le texte risquait l'inconstitutionnalité "sur le principe de séparation des pouvoirs, de proportionnalité des peines et de droits de la défense".
Mais le rapporteur UMP, Michel Thiolière "ne voit aucune alternative à celle proposée par le gouvernement", tandis que Catherine Morin-Dessailly (UC) a souligné "le caractère pédagogique et dissuasif du dispositif".
"L'ordonnance pénale est une procédure respectueuse des droits de la défense, (...) l'autorité judiciaire conserve son total pouvoir d'appréciation" et "l'Hadopi se bornera à faire des constatations," a assuré Michelle Alliot-Marie (Justice), défendant un texte qui "renforce les libertés".
Après de nombreuses péripéties -rejet surprise à l'Assemblée en avril, nouveau vote en mai puis censure-, le dernier volet d'Hadopi, inscrit en urgence (une lecture par assemblée), sera examiné par les députés à partir du 20 juillet.