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Les erreurs du PS dans sa lutte contre le FN

Dans "Apprendre de ses erreurs. La gauche face au Front national", la secrétaire nationale du Parti socialiste Sarah Proust pose un regard critique sur le combat de la gauche de ces dernières années contre la montée du FN. Morceaux choisis.

C’est un ouvrage qui fait office d’autocritique pour le Parti socialiste (PS). Face à un Front national (FN) plus fort que jamais et quasiment assuré de se qualifier pour le second tour de la présidentielle française, la gauche a-t-elle recours aux bons outils, aux arguments les plus justes ? "Non", tranche Sarah Proust, auteure d'"Apprendre de ses erreurs. La gauche face au Front national"*. "Il est temps de l’admettre, de l’assumer et de changer de cap", souligne la responsable de la cellule de lutte contre le Front national au PS qui dénonce "une forme de tétanie de la gauche face à une Marine Le Pen complètement désinhibée".

Dans son essai, l’adjointe au maire du 18e arrondissement de Paris dresse six fautes commises par le PS en cherchant à barrer la route de l’Élysée à Marine Le Pen. Elle pointe notamment du doigt la mauvaise lecture de la gauche concernant la mutation du parti d'extrême droite ces dernières années. "La première erreur de jugement remonte à 1998, lors de la scission du FN entre les proches de Bruno Mégret et la ligne de Jean-Marie Le Pen, analyse-t-elle. À cette époque, la gauche politique et associative a baissé la garde estimant que cette rupture n’était qu’un préambule à la mort politique de l’extrême droite." Or, quatre ans après, le parti de Jean-Marie Le Pen s’est hissé au deuxième tour de l’élection présidentielle pour la première fois de son histoire.

"Marine Le Pen, la plus grande mégrétiste qui soit"

De là découle une seconde erreur du parti : "le PS s’est évertué à penser que le score du Front national était élevé uniquement parce que celui du Parti socialiste était faible", poursuit-elle. Mais c’est aussi le résultat d’un changement stratégique interne de dédiabolisation qui opère depuis 1998, selon Sarah Proust. "Mégret et son entourage avaient commencé à capter le vocabulaire républicain, à poser la question de la place de l’État dans la mondialisation… Marine Le Pen n’a eu qu’à reprendre cette réflexion, se révélant ironiquement la plus grande mégrétiste qui soit", ajoute-t-elle.

Pour la secrétaire nationale du PS, son parti peine aussi à s’approprier des sujets qui font partie de son giron, comme l’immigration et la laïcité. Or, "face à l’identité nationale prônée par la droite en 2007, la gauche aurait dû construire une réponse, au lieu de rejeter le concept d’identité au motif qu’il comportait une forte dimension d’exclusion. Elle aurait dû répondre fermement en recourant à l’idée d’identité républicaine (qui est un socle sur lequel peuvent se poser de multiples identités cohérentes)", juge-t-elle.

Proposer une alternative propre

Par ailleurs, Sarah Proust s’insurge contre l’idée du Front républicain telle que proposée aujourd’hui par son parti. Elle prend l’exemple d’un forum organisé en 2013 par le PS, où était distribué un badge associant les logos de l’UMP et du FN, avec ce slogan : "UMP-FN, ça suffit". "Or, dès le lendemain, nous appelions à soutenir l’UMP contre le FN dans une cantonale partielle du Var", se souvient-elle pour souligner l’incohérence du parti. La solution ? "Il faut traiter le Front républicain comme un sujet politique, estime-t-elle, en interpellant la droite plusieurs mois avant une élection sur ses positions et le contenu de son programme" pour mieux se distinguer du FN.

Quelle position adopter pour traiter du Front national dans les débats ? "La vraie question est non pas de savoir si on en parle mais comment en parler pour le disqualifier", explique l’élue qui a travaillé sur ce thème pendant quatre ans au sein des fédérations socialistes. "Cessons de penser, avec le mépris de classe qui caractérise nombre de commentateurs et d’acteurs du débat public, que les électeurs du FN sont idiots, incultes, qu’ils n’ont pas conscience des enjeux et sont dépourvus d’outils de compréhension du monde", écrit-elle dans son essai. Elle cite le cas de ces communes FN qui ont supprimé la gratuité des cantines scolaires pour les enfants de chômeurs. "L’enjeu n’est pas de décrypter un programme qui énonce clairement que certains enfants seront privés de cantine. Il est de mener une bataille politique, idéologique pour convaincre des électeurs que priver des enfants de cantine est injuste humainement et socialement et inefficace économiquement."

Pour Sarah Proust, il faut mener un combat avant tout idéologique contre le FN. "Contester le programme du FN ne suffit pas, il faut proposer une alternative propre. La force de Marine Le Pen est de proposer un projet commun dans lequel les Français se sentent reconnus. La gauche doit offrir un programme crédible, auquel les électeurs s’identifient. C’est une étape essentielle pour lutter contre le Front national. Il n’est pas encore trop tard", conclut-elle.

*Édition Fondation Jean Jaurès