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Le candidat du mouvement En Marche ! pour la présidentielle, Emmanuel Macron, a longuement développé son programme économique dans le quotidien Les Échos, vendredi. Pour l’économiste Pascal de Lima, ses propositions pêchent par manque d’originalité.

Plan d’investissement, lutte contre le chômage, réduction des dépenses : Emmanuel Macron, le candidat du mouvement En Marche ! à la présidentielle française, a dévoilé son programme économique dans un long entretien accordé au quotidien Les Échos, vendredi 23 février.

L’annonce des priorités économiques de l’ancien ministre de l’Économie sous François Hollande était très attendue. Emmanuel Macron, qui tente d’exister politiquement entre la gauche et la droite sans se définir comme centriste, a longtemps été attaqué par ses adversaires pour le flou autour de son programme. L’entretien accordé aux Échos constitue, à ce titre, une réponse du candidat à ces critiques.

Pascal de Lima, économiste en chef du cabinet de conseil EcoCell et enseignant à Sciences-Po, analyse pour France 24 ce qu’il faut retenir des propositions d’Emmanuel Macron.

France 24 : Le programme économique dévoilé par Emmanuel Macron est-il de gauche ou de droite ?
Pascal de Lima : Son programme s’inscrit dans une grande continuité de la politique menée par François Hollande. Sur la lutte contre le chômage ou l’allègement des charges, Emmanuel Macron semble vouloir prolonger et pérenniser ce qu’il a entrepris, alors qu’il était à Bercy, et ce qui a été mis en œuvre tout au long du quinquennat.

Sa principale nouveauté, l’ouverture des droits à l’indemnisation du chômage à tous [y compris ceux qui démissionnent, NDLR] constitue un marqueur plutôt à gauche. Mais il emprunte aussi à la droite en soutenant que la consommation va repartir en abaissant les charges salariales. En résumé, c’est un programme giscardien avec une touche plus sociale.

"La nouvelle économie" d’Emmanuel Macron est-elle vraiment nouvelle ?
C’est de l’effet d’annonce. Il n’y a rien de vraiment nouveau dans ce programme. Par exemple, lorsqu’il insiste sur l’importance de la valeur travail, pour se démarquer de Benoît Hamon et de sa proposition sur le revenu universel, il reprend en creux la rhétorique de Nicolas Sarkozy et son slogan du "travailler plus pour gagner plus".

Il n’y a rien, par exemple, sur l’économie numérique, alors qu’il était attendu sur ce terrain et qu’il aurait pu développer cet aspect pour proposer quelque chose de nouveau.

Il affirme que la lutte contre le chômage est au cœur de son projet. Que pensez-vous des solutions qu’il développe pour répondre à ce problème ?
Ses principales priorités sont davantage de flexibilité, l’abaissement des charges et l’accent mis sur la formation. Ce sont des pistes qui ont déjà été exploitées depuis des dizaines d’années pour lutter contre le chômage de masse,avec le succès qu’on connaît ! Quant à la proposition qui le différencie le plus, l’ouverture des droits à l’indemnisation pour tous, elle lui a probablement été inspirée par le prix Nobel d’économie, le Français Jean Tirole, qui a développé cette idée.

Il propose un plan d’investissement de 50 milliards d’euros sur cinq ans pour 60 milliards d’euros d’économie, que pensez-vous du chiffrage de son programme ?
Le principal problème à cet égard provient de la source des économies qu’il veut réaliser pour financer son plan d’investissement. Emmanuel Macron propose ainsi de faire 10 milliards d’euros d’économies sur le dos des collectivités locales. Mais elles sont déjà dans un état catastrophique, alors que c’est à ce niveau que se joue la bataille essentielle des services publics. Il reste aussi très flou sur la nature des 25 milliards d’euros d’économies qu’il veut réaliser au niveau de l’État. Il est, enfin, difficile d’imaginer que les 10 milliards d’euros d’économies sur l’indemnisation chômage qu’il envisage ne vont pas se faire au détriment des chômeurs.

Vous semblez sceptique sur ce programme ?
Je trouve que son constat de la situation économique est bon et lucide. Emmanuel Macron explique que le temps de l’austérité est révolu et que la France paie aujourd’hui le prix pour ne pas avoir suivi une politique contracyclique comme en Allemagne [c'est-à-dire une politique budgétaire qui suit une tendance inverse à celle des cycles de croissance, NDLR].

Mais quand il s’agit d’énoncer des propositions, il s’en remet essentiellement à des remèdes administrés par les précédents gouvernements !