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Uber empêtré dans un scandale de harcèlement sexuel

Travis Kalanick, le patron du service de VTC Uber, a promis de mener une enquête approfondie après le récit d'une année de vexations sexistes publié, dimanche, sur Internet, par une ex-employée.

"Lorsque j'ai commencé à travailler pour Uber, il y avait environ 25 % de femmes, et elles n'étaient plus que 3 % lorsque j'ai quitté le groupe un an plus tard". Dans un billet de blog publié dimanche 19 février et intitulé "réflexions sur une année très, très étrange à Uber", l'ingénieure Susan J. Fowler raconte par le menu une année de harcèlement et vexations sexistes subis au sein du géant des services de VTC (Véhicule de transport sans chauffeur). Elle y décrit une ambiance toxique pour les femmes qui a entraîné une hémorragie de départs des employés féminins.

"Ce qui est décrit ici est abominable et contraire à toutes nos valeurs. Quiconque se comporte de cette manière, ou pense que c'est OK, sera renvoyé", a réagi Travis Kalanick, le PDG d'Uber. Il a confié une "enquête urgente" au service de ressources humaines (RH) et demandé à la créatrice du Huffington Post Arianna Huffington, qui siège au conseil des directeurs d'Uber, de participer à l'enquête.

Messages à caractère sexuel

Les accusations de Susan Fowler vont au-delà du sexisme ordinaire qui entache la réputation de la Silicon Valley, où 60 % des femmes salariées se sont plaintes au moins une fois de faits de harcèlement, d'après une enquête menée en 2016. L'ingénieure avait à peine passée une semaine à travailler au siège d'Uber, qu'elle avait déjà reçu plusieurs messages à caractère sexuel de la part de son supérieur. Elle l'a dénoncé au service des ressources humaines qui lui a rétorqué que rien ne serait fait "parce que c'est la première fois". D'autres salariées d'Uber lui ont expliqué par la suite avoir également subi les avances de ce responsable et qu'il ne risquait rien car "il obtenait des bons résultats".

Le reste de l'année est à l'avenant. Lorsqu'elle essaie d'obtenir une promotion pour être transférée dans un autre service, elle apprend que sa demande est refusée parce que son supérieur veut pouvoir "se vanter d'être le seul à ne pas avoir de femmes qui quittent son équipe". Après quelques mois, elle commence à consigner chaque mail ou remarque sexiste pour ensuite les envoyer aux ressources humaines. Conséquence : Susan Fowler est convoquée par une responsable RH qui lui suggère de se demander "si elle n'est pas un peu responsable aussi".

Ce récit a entraîné une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux où des célèbres investisseurs, tel que Chris Sacca, ont condamné le traitement réservé par Uber à son employée, d'anciens salariés du groupe ont reconnu avoir vécu des expériences similaires. "C'est et a toujours été le vrai Uber. Et peut-être que rien ne va changer", souligne Casey Newton, spécialiste de la Silicon Valley pour le site technologique The Verge.

Nid à machos

Uber traîne, en effet, une image de nids à machos. Une réputation que le groupe s'est forgée à grand coup de scandales et de couacs. Travis Kalanick, en personne, n'a pas démontré de penchant féministe très poussé : il a fait référence à un projet d'application de commande de taxi spécifique aux femmes (pour des raisons de sécurité) en l'appelant, en plaisantant, "boober" (qui a des seins proéminents). Il a aussi nié à plusieurs reprises que le groupe puisse être tenu pour responsable de l'agression de femmes par des chauffeurs Uber.

En 2014, la filiale britannique d'Uber avait versé un crédit de 20 livres sterling sur le compte d'une cliente qui s'était plaint d'avoir été harcelée par un chauffeur. En France, une campagne de publicité en 2015 promettait aux clients lyonnais d'avoir pour chauffeur des mannequins s'ils entraient un code promotionnel. Face aux accusations de sexisme, le groupe avait rapidement annulé sa campagne.

Une journaliste américaine, Sarah Lacy, qui a été l'une des premières a dénoncé le sexisme d'Uber, s'est retrouvé dans le collimateur d'un vice-président du groupe. Emil Michael avait assuré, d'après une enquête du site Buzzfeed, qu'il était prêt à dépenser jusqu'à un million de dollars pour trouver des éléments qui permettrait de discréditer la journaliste. Travis Kalanick s'était alors excusé pour les propos de son lieutenant, mais il avait été maintenu à son poste.

Jusqu'à présent, les efforts d'Uber – excuses publiques, embauche d'une femme à la tête du service des relations humaines – n'ont pas permis d'améliorer la situation. Est-ce que la décision de confier aux ressources humaines la responsabilité d'enquêter sur... les ressources humaines va changer la donne ? Pas sûr.