logo

CAN-2017 : Essam El-Hadary, symbole d'une Égypte de nouveau au sommet

Envoyé spécial France 24 à Libreville (Gabon) – À 44 ans, le gardien égyptien Essam El-Hadary réalise une CAN-2017 plus que remarquable. Le dernier rempart de l’Égypte est l'un des grands artisans de l'accession des Pharaons en finale. Portrait d'une légende du football africain.

Keita, Madjer, Milla, Weah, Eto'o, Drogba… L'Afrique du football a couronné bien des rois. Le gardien égyptien Essam El-Hadary peut d'ores et déjà revendiquer le trône dévolu aux Pharaons. Et ce, que sa sélection remporte ou non la finale de la CAN-2017, dimanche 5 février, face au Cameroun.

Préposé au banc de touche à l'ouverture de la compétition, le vétéran de 44 ans a "profité" de la blessure du gardien titulaire Ahmed El-Shenawy contre le Mali pour reprendre du service à un poste qu'il a déjà occupé à près de 160 reprises durant sa carrière : celui de dernier rempart du septuple champion d'Afrique.

Et dans les cages de cette Égypte ultra-solide façonnée par le sélectionneur argentin Hector Raul Cuper, El-Hadary a répondu plus que présent : un grand nombre de parades, une invincibilité en Coupe d'Afrique de plus de dix heures de jeu, et un seul but encaissé, sur une puissante frappe du Burkinabè Aristide Bancé en demi-finale. Piqué au vif par cet affront, El-Hadary a puni les Étalons en qualifiant les siens au terme d'une séance de tirs aux buts qui l'a vu stopper deux des cinq tentatives adverses.

Parfum de "nineties"

À 44 ans, le Pharaon n'a donc rien d'un magnanime sur un terrain de football. C'est avant tout un homme de records, lui qui est devenu il y a quelques jours le joueur le plus âgé à disputer une CAN, effaçant des tablettes son compatriote Hossam Hassan. Et si l’Égypte était sacrée dimanche soir, il deviendrait le seul joueur de l'histoire à soulever le trophée à cinq reprises (1998, 2006, 2008 et 2010, et donc 2017, si l'Égypte remporte le tournoi).

Une statistique évoque à elle seule l'incroyable longévité du mythique portier. El-Hadary venait de remporter son tout premier sacre lorsque le gardien sénégalais, Ismaila Saar, plus jeune joueur du tournoi, a été mis au monde. C'était en 1998, à une époque où brillaient en Europe les Zidane, les Ronaldo, les Batistuta et autres Bergkamp... un autre siècle, en somme.

Un palmarès hors-norme

Mais El-Hadary, à l'image de la civilisation millénaire dont il porte aujourd'hui les couleurs, a traversé les époques. Avec son club Al Ahly, de 1996 à 2007, il a tout gagné : trois Ligues des champions, trois Supercoupes de la CAF, sept championnats d’Égypte et quatre coupes nationales.

Autre élément non négligeable, il a forgé son incroyable palmarès sur son continent d'origine, alors que d'autres stars du continent avaient succombé aux sirènes de l'Europe. Lui n'y a effectué une pige que sur le tard, à 37 ans. Une escapade au FC Sion, en Suisse, d'une saison et demie de laquelle il est rentré auréolé d'un nouveau titre, après le succès des siens en Coupe de Suisse.

Et du haut de son mètre 88, El-Hadary continue de contempler l'horizon la tête pleine de rêves. Aujourd'hui "entre les bois" du Wadi Degla, il n'a pas abandonné son dernier objectif : jouer une Coupe du monde avec les Pharaons. "Peu m'importe mon âge. Je m'entraîne comme si j'avais 20 ans. L'heure est venue pour moi de jouer une Coupe du monde. C'est ce que je me dis chaque matin et avant chaque entraînement", confiait-il récemment à la BBC.

Gros bosseur

Légende peut-être, mais avant tout athlète. Éphémère entraîneur de El-Hadary lors de son passage à Wadi Degla en 2016, Patrice Carteron a livré à l'AFP quelques éléments de réponses sur cette longévité hors-norme.

"Il consacre ses journées au bien-être de son corps. Il sait parfaitement se gérer. C'est quelqu'un qui va venir une heure trente avant tout le monde à l'entraînement pour aller en salle faire des étirements, [avec] un gros travail personnalisé. Même chose après."

Carteron se souvient d'une anecdote particulièrement révélatrice : "Le Caire est une ville de 20 millions d'habitants, cela veut dire que parfois, pour traverser la ville, il faut quasiment trois heures avec les bouchons. C'est le seul joueur que j'ai connu à avoir un appartement juste à côté du stade afin d'éviter de trop circuler, alors que sa femme et ses enfants habitent un peu plus loin dans une grande maison."

Le Mondial-2018 en ligne de mire

À ce rythme, il n'y aurait donc rien d'invraisemblable à imaginer qu'il soit toujours le gardien du temple dans deux ans, à l'occasion de la prochaine Coupe du monde. Les Pharaons sont en tout cas en très bonne position pour être du voyage en Russie, en 2018, puisqu'ils dominent largement le groupe E du 3e tour des qualifications de la CAF avec 6 points en deux rencontres, deux unités devant l'Ouganda.

"Je suis fier de ma longue carrière, mais une participation à la Coupe du Monde représente quelque chose d'exceptionnel dans la vie d'un joueur", reconnaissait-il en juin 2016 dans un entretien avec le site de la Fifa.

Et, tout aussi exceptionnel serait le nouveau record qu'il pourrait établir à cette occasion : il deviendrait le plus vieux joueur à disputer un Mondial, effaçant cette fois des tablettes un autre gardien, le Colombien Faryd Mondragon, qui avait disputé la Coupe du monde 2014 à l'âge de 43 ans et 3 jours.