En Gambie, une nouvelle ère s'est ouverte après le départ en exil de l'ancien président Yahya Jammeh. Premier signe tangible : après des années d'intimidations, d'assassinats, la presse redécouvre une certaine liberté. Reportage de Sarah Sakho.
L'heure du bouclage approche à la rédaction de The Point, deuxième quotidien national basé à Banjul. Les journalistes mettent un point final à leurs articles consacrés, pour la plupart, à l'actualité politique bouillonnante en Gambie.
Au pouvoir durant plus de 22 ans, Yahya Jammeh a dans un premier temps refusé sa défaite à l'élection présidentielle, provoquant une crise politique. Les forces de la Cédéao ont été mobilisées pour le contraindre à céder le pouvoir à Adama Barrow, vainqueur de l'élection présidentielle du 1er décembre. Il a pris l'exil au Sénégal le 21 janvier.
Climat de terreur
Pour le co-fondateur du quotidien Pape Saine, rien n'a changé depuis. À un détail près : l'équipe travaille sans la peur au ventre. "On avait peur pour nos vies sous le régime de Jammeh, un journaliste saharien pouvait être tué, emprisonné pour 15 ans, son bureau ou sa maison pouvait aussi être brûlée", affirme le doyen de la presse locale.
En 2004, le cofondateur du journal Deyda Hydara est assassiné. Sa mort devient le symbole du climat de terreur qui entoure la presse. Depuis le changement de régime, les journalistes se veulent confiants en l'avenir : "d'après les annonces du nouveau gouvernement, nous avons des raisons de croire que ce sera très différent, estime Njie Baldé, journaliste à The Point. Il est temps que les journalistes soient libres dans ce pays. Ils ne l'ont jamais été sous l'ancien régime".
"Il va falloir des réforms légales"
Samedi 28 janvier, les journalistes ont assisté à une conférence de presse du président. Un exercice inimaginable sous l'ancien régime. Mais beaucoup reste à faire pour la liberté de la presse, selon la principale association professionnelle du pays.
"Il y a un tas de lois draconiennes en Gambie contre la liberté de la presse, la loi sur la sedition par exemple, prévoit une peine qui peut aller jusqu'à l'emprisonnement à vie, dénonce Saikou Jammeh, de l'Union de la presse gambienne. C'est très grave, il va donc falloir des réformes légales, il va aussi falloir former les journalistes. La Gambie ne compte pour l'heure que cinq journaux, une vingtaine de radio et une seule chaîne de télévision détenue par l'État.