La stratégie de crise de François Fillon dans l’affaire Penelope est montée en puissance, dimanche, lors du meeting de La Villette. La mise en scène de son épouse, présentée comme une victime, était notamment au cœur du dispositif.
Pour Romain Mouton, fondateur de l’agence RM Conseil et expert en communication de crise, la stratégie de François Fillon, qui consiste notamment à ne pas céder à la pression médiatique et à en dire le moins possible sur les faits, colle à l’image du candidat qui se veut "droit dans ses bottes". Selon lui, rien ne dit que cette affaire Penelope emportera la candidature Fillon.
France 24 : Après des réponses peu convaincantes, peut-on dire que la stratégie de communication du clan Fillon est montée en puissance le week-end dernier ?
Romain Mouton : C’est vrai qu’il y a eu un retard à l’allumage chez François Fillon et son équipe. Ils n’ont pas tout de suite pris la mesure de cette affaire et des conséquences qu’elle pouvait avoir. Et de fait, dans les premières heures, voire les premiers jours qui ont suivi les révélations du Canard Enchaîné, ni François Fillon, ni ses porte-parole n’avaient de stratégie ou d’éléments de langage calés. On sent bien, en revanche, que cela a changé depuis le 20 heures de TF1, jeudi soir, moment où les éléments de langage ont commencé à émerger. Il y a ensuite eu une interview posée dans le Journal du Dimanche et enfin ce discours de La Villette marqué par des images fortes que tout le monde retient : la remise d’un bouquet de fleurs, la main posée de François Fillon sur celle de sa femme, les larmes de Penelope, les mots forts prononcés par son mari à la tribune. Tout a été fait pour la présenter comme une victime.
Le choix a visiblement été fait de ne pas répondre sur le fond de l’affaire et de jouer la carte de l’émotion…
Il y a des moments où la crise est tellement forte que la réponse du politique est d’abord une réponse d’homme avant d’être celle d’un communicant. François Fillon a parlé avec son cœur, répétant notamment à plusieurs reprises combien il aimait sa femme. C’est aussi une stratégie de communication qui consiste à parler de l’humain plutôt que des faits. D’ailleurs, Florence Portelli, qui animait le meeting de La Villette dimanche, a appelé les femmes à se lever pour applaudir Penelope. Ce n’était pas anodin, il y avait là un appel "communautaire" de soutien entre femmes.
François Fillon fait par ailleurs le choix de laisser la justice faire son travail. Son argument est de dire qu’il s’expliquera devant la justice et qu’il ne veut pas se soumettre au tribunal médiatique. Cela va bien avec son image construite autour de sa fermeté et de sa volonté de ne pas s’étaler dans les médias. En cela, il est cohérent. Il ne cède pas à la pression médiatique.
Cette stratégie peut-elle être payante vis-à-vis des électeurs non acquis d’office à François Fillon ?
Tout peut arriver. On l’a vu lors des dernières élections, que ce soit à l’étranger ou en France lors des primaires de la droite et de la gauche. Les Français savent aussi peser le pour et le contre. En termes de communication, les choses peuvent se retourner très rapidement. On est actuellement dans une séquence de buzz médiatique. Mais à force de voir Fillon se faire taper dessus, les Français pourraient aussi vouloir prendre sa défense. Encore une fois, tout est possible. À ce stade, on ne peut pas affirmer que le Penelopegate ait tué Fillon.
Cela dit, je constate que son équipe de campagne n’a pas pris en compte les réseaux sociaux dans sa réponse, or toute communication de crise aujourd’hui doit être globale. Cette affaire est très commentée sur Internet et une pétition a notamment été lancée sur le site Change.org demandant à Penelope Fillon de rendre les 500 000 euros. Plus de 210 000 personnes l’ont déjà signée. Or rien n’a été prévu pour contrer ce mouvement sur les réseaux sociaux qui, même s’ils ne sont pas totalement représentatifs de la population française, restent une caisse de résonnance de l’opinion publique.