Du 11 au 29 janvier, la Gaîté Lyrique présente une série d'installations sur le thème des lanceurs d'alertes, ces citoyens ordinaires devenus héros. Mashable FR a interviewé !Mediengruppe Bitnik, collectif suisse qui a reproduit la chambre d'Assange.
Depuis l'été 2012, il vit reclus dans l'ambassade d’Équateur, à Londres, et ne peut en sortir sans risquer d'être arrêté par la police britannique. Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, évolue dans un monde clos. Une petite chambre victorienne de 20m2, plus précisément.
À quoi peut bien ressembler l'espace privé de cet informaticien australien devenu figure publique ? Comment sont agencés les meubles ? De quelle manière les effets personnels s'éparpillent-ils ? Comme un "leak" dans l'espace physique, pour reprendre les termes - très justement trouvés - de la Gaîté Lyrique, le collectif suisse !Mediengruppe Bitnik a reconstitué l'espace dans lequel l'hacktiviste vit actuellement sa "détention arbitraire". C'est cette énigmatique pièce que les visiteurs peuvent observer du 11 au 29 janvier dans le lieu parisien dédié aux cultures numériques.
Une réplique faite de mémoire
À l'ambassade d’Équateur à Londres, rien n'est laissé au hasard. Les visites sont contrôlées et les photos interdites. C'est donc en convoquant leurs souvenirs que !Mediengruppe Bitnik, qui a rencontré Julian Assange à plusieurs reprises, a pu reproduire la chambre.
"Très peu de personnes savent réellement à quoi cette chambre ressemble"
"Il y a un véritable paradoxe entre l'étroitesse de cette pièce et l'incroyable portée d'une plateforme comme WikiLeaks. Pour accéder à l'ambassade, de nombreux contrôles d'identité et de sécurité sont requis. Finalement, très peu de personnes savent réellement à quoi cette chambre ressemble. Et pourtant, c'est toujours depuis elle que WikiLeaks fonctionne et touche des millions d'internautes à travers le monde. Grâce à une bonne connexion Internet et à un expert familier des réseaux politique et technologique, WikiLeaks est toujours opérationnel", commente Carmen Weisskopf du collectif !Mediengruppe Bitnik auprès de Mashable FR.
Mais avec cette installation, l'expérience ne s'arrête pas à la visite de la réplique de la pièce. Le dispositif utilise également Skylift, un émulateur de géolocalisation créé par Adam Harvey. Grâce à lui, les smartphones des visiteurs sont géolocalisés au 3 Hans Crescent, Knightsbridge, Londres : ce sont les coordonnées GPS de l’ambassade d’Équateur à Londres, depuis lesquelles les visiteurs sont invités à partager des photos.
Quand l'art s'imisce dans une crise diplomatique
"C'est un projet qui fait partie de notre série 'Delivery for Mr. Assange'. Tout a commencé en janvier 2013, alors que notre collectif envoyait à Julian Assange un colis comprenant une caméra cachée. Chaque image documentant les étapes du voyage postal était mise en ligne en temps réel sur notre site Internet et sur notre compte Twitter. La performance montrait ainsi le trajet du colis en question, du transport en camion aux arrivées dans les différents centres de livraison. Des centaines d'internautes ont pu assister à l'ouverture du colis par Julian Assange", se réjouit Carmen Weisskopf.
Elle ajoute : "Pendant tout ce temps-là, la police britannique montait la garde autour de l'ambassade, afin de s'assurer que Julian Assange ne quitterait pas le pays. Pour nous, c'était une façon de s'inviter dans une crise diplomatique inédite, soit une des rares manifestations physiques de conflit entre les pouvoirs en place et un défenseur des libertés numériques."
À l'issue de ce projet, Julian Assange a invité plusieurs fois le collectif suisse à venir à l'ambassade. "C'est comme ça que nous est venue l'idée de reproduire sa chambre à échelle 1".
Un choc visuel
Quand on lui demande ce qui l'a le plus marquée lors de ces différentes visites, Carmen Weisskopf répond : "Il y a un véritable choc visuel entre cette petite pièce d'ambassade meublée classiquement et plutôt impersonnelle... et cet incroyable amoncellement d'ordinateurs et de dispositifs électoniques. Alors que ce type d'endroit est habituellement consacré à des réunions diplomatiques, il s'en dégage ici une lourde atmosphère de travail."
"Mais il y a aussi quelques objets qui racontent des visites antérieures : un sac Vivienne Westwood, quelques livres, quelques photos... Et au milieu de tout ça, un masque respiratoire, pour permettre à Julian Assange de rester dans l'ambassade en cas d'incendie déclaré".
— "Lanceurs d'alerte", l'exposition de la Gaîté Lyrique, du 11 au 29 janvier 2017.
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