À la frontière entre la Somalie et le Kenya se trouve Dadaab. Ce camp géant, géré par l'UNHCR, abrite 280 000 habitants, des Somaliens pour la plupart. En 25 ans d'existence, une génération entière d'enfants y a grandi. Michael Guiheux et Maïa Boyé sont allés à la rencontre de cette jeunesse qui se raccroche à un espoir : en sortir, un jour. Leur reportage a remporté le Prix le Rotarien/France 24 du Jeune Reporter d’Images 2016.
Rahma est lycéenne, Sagaro propriétaire d'un stand de jeux vidéo et Abdirizak professeur. Les deux premiers ont 19 ans, le troisième en a 25, et tous rêvent de la même chose : partir vivre ailleurs. Quitter ce camp entièrement géré par l'UNHCR et dont ils n'ont pas le droit de sortir. Ils ont accepté de partager avec nous quelques jours de leur quotidien, de nous expliquer comment ils étaient arrivés là et comment ils comptaient s'en sortir. Nous allons vous raconter leur histoire.
Rahma est en dernière année de lycée, elle veut devenir ingénieure en chimie. Ses parents, confrontés à la politique de rapatriement mise en place par l'État kenyan, qui veut fermer le camp, l’avaient ramenée en Somalie avec eux. Mais elle a fui. Elle a traversé 700 km seule, à pied et en bus, pour rejoindre le camp et finir ses études.
Abdirizak est arrivé dans le camp à 16 ans, il est venu seul, spécialement pour aller à l'école. L'éducation dans le camp est gratuite, tandis qu’en Somalie, elle est réservée à l'élite. Son rêve était d'obtenir une bourse pour partir à l'université étudier au Canada, mais comme de nombreux jeunes, il est resté bloqué à Dadaab après son bac. Seules quelques dizaines d'élèves sur 1 000 étudiants arrivent à décrocher une bourse chaque année. Alors il est devenu professeur et attend de repasser l'examen. Mais le temps presse, sa mère adoptive le pousse à rentrer en Somalie avec elle.
La solution de Sagaro pour partir ? Devenir riche !
Sagaro, lui, a dû quitter l'école à 12 ans, après les cours élémentaires. Les collèges manquent de place et il n'a pas réussi l'examen d'entrée. À Dadaab, un enfant sur deux ne va pas à l'école. Aujourd'hui, grâce à l'argent économisé lorsqu'il était vendeur de glaces, il a pu bricoler un stand de jeux vidéo. Quatre murs en taule, sept consoles démodées branchées à de vieux téléviseurs. Sa solution pour partir, c'est de devenir riche. Si sa demande de visa pour les États-Unis démarrée il y a 5 ans n'aboutit pas, il envisage d'utiliser son argent pour rentrer illégalement en Europe.
Trois destins, des tranches de vie qui racontent, en partie, celle de la jeunesse de Dadaab. Ce qui frappe lorsque l'on rencontre ces jeunes, c'est leur force face à l'injustice du quotidien, qu’ils combattent à coups de phrases comme "je vais m'en sortir", "je vais devenir riche", "l'éducation est la seule option"… Leur force ressemble parfois à du déni, quand on sait à quel point il est difficile de quitter le camp... sauf pour repartir en Somalie.