Le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, a présenté mercredi en Conseil des ministres un projet de loi visant à assouplir les règles de la légitime défense. Une mesure réclamée depuis longtemps par les syndicats de police.
C’est une revendication défendue de longue date par les syndicats de police et les policiers sur le terrain : la réforme de la légitime défense. Après les manifestations de cet automne, consécutives l’agression au cocktail Molotov de quatre agents de police le 8 octobre dernier à Viry-Châtillon (Essonne), la polémique avait été relancée. Ce projet de loi annoncé fin novembre par le ministre de l’Intérieur de l’époque Bernard Cazeneuve, a été présenté en Conseil des ministres mercredi 21 décembre par son successeur Bruno Le Roux.
Reconnaître la particularité du métier
Le texte vise à aligner le régime des policiers sur celui des gendarmes. Jusqu’ici, les forces de l’ordre étaient soumises aux mêmes règles qu’un citoyen lambda. Alors que les gendarmes, par leur statut de militaire, peuvent faire feu sans sommation pour se protéger.
Interrogé par le quotidien Le Figaro, Frédéric Lagache, du syndicat de police majoritaire Alliance, estime qu’il "est anormal que les policiers soient soumis aux mêmes règles qu’un simple citoyen alors qu’ils sont formés à l’usage de leur arme et se trouvent confrontés tous les jours à la violence de la rue".
Si le projet de loi est adopté par le Parlement début janvier, les policiers auront l’autorisation de tirer, après sommation, dans quatre situations déterminées : face à la menace des personnes armées, s’il s’agit de la seule solution pour défendre un terrain, un poste ou des personnes, si c’est la seule solution pour stopper une personne qui menace des vies, et lorsqu’ils ne peuvent arrêter autrement un véhicule en fuite. Le texte sera néanmoins conditionné au respect des principes d’ "absolue nécessité" et de "stricte proportionnalité" comme l’exige la Convention européenne des droits de l’Homme.
Dans un communiqué publié le 20 décembre, le syndicat des cadres de la sécurité intérieure salue le texte et rappelle qu’il mène ce "combat (depuis) plus de 15 ans (…), pour que le pragmatiste et la raison l’emportent sur les conservatismes".
Le projet de loi prévoit également un élargissement des conditions d'identification par le seul numéro de matricule dans les procédures pénales. Il s'agit de préserver l'anonymat des enquêteurs, autre revendication des syndicats policiers et des manifestants. En outre, il permettra de faire passer les peines pour outrage à agent dépositaire de l'autorité publique de six mois à un an de prison et de 7 500 à 15 000 euros d'amende. Ces peines seront même portées à deux ans et 30 000 euros d'amende dès lors que les faits sont commis en réunion. Elles seront ainsi alignées sur celles qui sont encourues en cas d'outrage à magistrat.
Un projet de loi critiqué
Avec ce nouveau projet de loi, certains dénoncent un "permis de tuer" accordé aux policiers alors que d’autres font état d’une réforme inutile. Jean-Claude Delage, du syndicat Alliance, se défend à l’AFP : "On veut que demain nos collègues aient l’esprit clair à ce sujet, sans pour autant leur donner le permis de tuer".
De son côté, Maître Eolas, avocat très suivi sur les réseaux sociaux, explique sur son blog qu’en "tout état de cause, s’il y a mort d’homme, une instruction judicaire mené par un juge d’instruction est inévitable (…), et il y aura discussion sur les circonstances exactes de l’usage de la force pour savoir si cet usage était nécessaire (…)". Selon l’avocat, en plus d’être inutile, cette mesure est pernicieuse. "Voter une telle disposition envoie un mauvais message" insiste-t-il. "Celui qu’on leur fait une confiance aveugle, et qu’ils sont les seuls juges de la violence à employer. C’est inacceptable dans une société démocratique et un État de droit" poursuit Maître Eolas.
Avec AFP