logo

La délégation des chefs d'État d'Afrique de l'Ouest, conduite par la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, n'est toujours pas parvenue à convaincre le président gambien sortant Yahya Jammeh de quitter le pouvoir.

Mission difficile pour les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest. Alors que le président sortant de la Gambie, Yahya Jammeh, souhaite faire annuler son élection perdue, plusieurs de ses homologues du continent tentent toujours de le convaincre de céder le pouvoir. Sans grand résultat pour le moment.

Après une journée de discussions, mardi 13 décembre, la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, qui conduisait la délégation de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), a reconnu que rien n’avait été décidé.

"Nous ne sommes pas venus pour un accord, nous venons aider les Gambiens à organiser la transition. Ce n'est pas quelque chose qui peut aboutir en un seul jour, il faut y travailler", a-t-elle déclaré, affirmant que la mission allait rendre compte de ses discussions lors du sommet de la Cédéao samedi à Abuja, au Nigeria.

Preuve de l'autorité que détient toujours Yahya Jammeh, la police a fermé les locaux de la Commission électorale indépendante (IEC) avant l'arrivée de la délégation, a indiqué Alieu Momar Njie, président de l'IEC, qui a déclaré l'opposant Adama Barrow vainqueur du scrutin présidentiel du 1er décembre.

"Dernière chance"

La communauté internationale a insisté sur les enjeux de la mission de cette délégation, qualifiée de "dernière chance" par la diplomatie sénégalaise, après la déclaration télévisée de Yahya Jammeh, le 9 décembre, revenant sur la reconnaissance de sa défaite et réclamant un nouveau vote.

La délégation conduite par Ellen Johnson Sirleaf comprenait son homologue nigérian Muhammadu Buhari ainsi que le Sierra-Léonais Ernest Bai Koroma et le Ghanéen John Dramani Mahama, lui-même défait par les urnes dans son pays. Le représentant spécial de l'ONU en Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, participait également à la mission.

La délégation a été reçue pendant plus d'une heure dans l'après-midi par Yahya Jammeh et a ensuite rencontré le président élu, Adama Barrow. "Il y a un blocage entre le gouvernement et nous", a indiqué ce dernier, qui conteste au sortant le droit de demander l'annulation du scrutin par la Cour suprême.

Selon des documents dont l'AFP a obtenu copie, le parti au pouvoir invoque, à l'appui de sa demande d'annulation des résultats accordant la victoire à Adama Barrow par quelque 19 000 voix d'écart, des irrégularités dans la comptabilisation par l'IEC et des "intimidations" envers ses électeurs dans une région.

Auparavant, l'opposition avait indiqué craindre que ce recours ne soit un moyen pour Yahya Jammeh de se maintenir en place au-delà de la fin de son mandat, prévue en janvier. "Il a perdu l'élection, nous ne voulons pas perdre de temps", avait déclaré lundi Adama Barrow à l'AFP.

"Un moment très dangereux"

En outre, comme la Cour suprême n'est plus au complet, désigner de nouveaux juges entraînerait inévitablement des délais supplémentaires, selon l'opposition, qui dénie de toute façon ce pouvoir au président sortant.

Faute de juges pour siéger à la Cour suprême depuis mai 2015, "il n'existe en Gambie aucun mécanisme légal légitime pour statuer sur le recours électoral du président sortant", a estimé, lundi, l'Ordre des avocats, appelant Yahya Jammeh à "céder immédiatement le pouvoir".

Le chef d'état-major, le général Ousman Badjie, dont Adama Barrow avait affirmé la semaine dernière avoir reçu l'assurance de son appui en tant que président élu, est arrivé aux discussions en portant sur son uniforme un badge du chef de l'État sortant, affirmant qu'il soutenait "le commandant en chef, le président Yahya Jammeh".

L'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, a estimé lundi qu'il s'agissait d'un "moment très dangereux" pour ce petit pays de moins de deux millions d'habitants, en raison notamment du soutien dont jouit encore dans l'armée le président sortant.

En cas d'échec de cette "diplomatie préventive", la Cédéao "envisagera des décisions plus draconiennes", a déclaré le président de la Commission de la Cédéao, Marcel Alain de Souza, à RFI, sans écarter l'option militaire.

Avec AFP