
Les deux adolescentes jugées pour homosexualité au Maroc et qui risquaient jusqu’à trois ans de prison ont été relaxées. Un verdict salué par les associations des droits de l’homme qui réclament l'abrogation de l'article 489 du code pénal.
Trois semaines après le début de leur procès, les deux Marocaines de 16 et 17 ans accusées d’homosexualité, qui risquaient entre six mois et trois ans de prison, ont été innocentées vendredi 9 décembre par le tribunal de Marrakech.
"Le juge a décidé de remettre les filles à leurs parents. Elles n'ont pas été sanctionnées sur la base de l'article 489" [qui criminalise les "actes licencieux ou contre-nature avec un individu du même sexe"], a indiqué à l’AFP l'un des trois avocats de la défense, Me Rachid al-Ghorfi.
Les deux adolescentes avaient été surprises le 28 octobre dernier en train de s’embrasser et de s’enlacer sur le toit d’une maison par la mère de l’une d’entre elles, qui les avaient livrées à la police. Détenues pendant une semaine, elles avaient été ensuite remises en liberté provisoire.
Une "victoire"
Les associations de défense des droits de l’Homme ont salué ce verdict, profitant de la médiatisation de l’affaire pour faire pression sur le gouvernement marocain. Sur son compte Twitter, le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (M.A.L.I) crie "victoire" tout en précisant que la lutte pour les libertés individuelles continue. "Ce genre d’affaire reste une petite victoire mais cela montre que la mobilisation paie. Il ne faut pas s’endormir", assure Ibtissame Betty Lachgar, militante et co-fondatrice de M.A.L.I, qui attend de voir si un blâme ou une punition sera tout de même infligée aux adolescentes, à défaut d’un emprisonnement.
Marrakech : les deux mineures poursuivies pour homosexualité sont innocentées ! VICTOIRE La lutte pour les libertés inidviduelles continue https://t.co/OSRWs61XGl
— M.A.L.I (@MALImaroc) 9 décembre 2016De son côté, Sarah Leah Whitson, directrice du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch a déclaré : "Nous espérons que ce verdict sera le dernier épilogue de cette affaire, que ces deux adolescentes n’auraient jamais dû avoir à vivre". Et d’ajouter : "Quand une jeune fille risque d’être arrêtée et poursuivie uniquement en raison de son orientation sexuelle présumée, chaque Marocain devrait se sentir concerné et préoccupé".
Le collectif Aswat, qui rassemble les groupes et organisations travaillant sur les questions de sexualité et de genre en Afrique du Nord et au Moyen-Orient s’est, lui aussi, réjoui de la décision du tribunal et a félicité les militants mobilisés dans cette affaire. Le collectif et les autres associations de défense des droits de l’Homme continuent de demander l'abrogation de l'article 489 du code pénal et l'arrêt de toutes les formes de discrimination en raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre au Maroc.
#LGBTQI #Maroc #Morocco NON A L 'ARTICLE 489 ! @IbtissameBetty #Stop_Homophobia pic.twitter.com/E8SGaX0SJa
— M.A.L.I (@MALImaroc) 26 mars 2016Vers une dépénalisation de l’homosexualité ?
Cette affaire relance donc le débat sur la dépénalisation de l’homosexualité au Maroc. Mais selon Hakim Sirouk, membre de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH), qui s’est confié au HuffPost Maroc, le chemin sera "encore long pour écraser cette loi" car "la société reste conservatrice". C’est également l’avis d’Ibtissame Betty Lachgar, qui, lors d’un récent entretien avec France 24, pointait du doigt une "société misogyne et conservatrice avec des lois archaïques et un code pénal moyenâgeux".
Les jugements et violences contre les homosexuels au Maroc continuent d’alimenter les rubriques de faits divers des journaux locaux mais aussi internationaux. En avril dernier, l’agression d’un couple à Beni Mellal avait suscité l’indignation des internautes. Sur la vidéo qui circulait sur le web, on y voyait deux hommes nus ensanglantés se faisant maltraiter par quatre personnes. Après avoir été condamnées à plusieurs mois de prison, les deux victimes avaient finalement été libérées. Plus récemment, deux homosexuels avaient été arrêtés dans un hôtel après avoir été dénoncés par la femme de chambre.