La destitution de la présidente Park Geun-hye marque le point d’orgue d’un scandale qui a ébranlé la Corée du Sud. Mais la présidente est loin d’être la seule à avoir été éclaboussée par cette affaire.
La présidente sud-coréenne Park Geun-hye quitte ses fonctions, sabrée par un scandale de corruption. Vendredi 9 décembre, les députés ont voté sa destitution à une écrasante majorité.
Mais l’affaire ne s’arrête pas à Park Geun-hye. La présidente destituée se trouve au sommet d’un vaste réseau d’entreprises de premier plan, d’institutions et de personnalités sud-coréennes qui, au fil des semaines, ont été mises en cause dans cette saga politico-économique.
Choi Soon-sil. C’est l’amie de 40 ans de Park Geun-hye par qui le scandale est arrivé. Choi Soon-sil, en détention depuis fin octobre, a été la confidente, la chamane et la conseillère de l’ombre de la présidente. Elle est surtout celle qui est accusée d’avoir profité de sa proximité avec Park Geun-hye pour obtenir divers avantages et se financer un train de vie princier.
Son influence sur la présidente était telle qu’elle a même participé à l’élaboration de certains de ses discours politiques les plus importants et procédé à des nominations de hauts fonctionnaires. Les Sud-Coréens n’ont jamais pardonné à la dirigeante déchue d’avoir impliqué à ce point dans les affaires de l’État une femme sans poste officiel.
Samsung. Le plus puissant conglomérat du pays, dont le chiffre d’affaires équivaut à 4,8 % du PIB sud-coréen, est soupçonné d’avoir financé l’achat par Chung Yoo-ra, fille de Choi Soon-sil et cavalière de niveau mondial, de Vitana V, l’un des chevaux les mieux cotés au monde, pour environ 850 000 dollars.
Samsung a reconnu avoir versé 2,8 millions d’euros à Core Sport (rebaptisé Widec Sport), une société allemande de consulting sportif gérée par Choi Soon-sil et sa fille, pour l’achat de chevaux, d’équipement et même d’un complexe d’entraînement en Allemagne. Le groupe s’est défendu en affirmant qu’il s’agissait de dépenses normales dans le cadre de ses activités de sponsoring.
Problème : le cheval n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de sollicitude financière dont Samsung a fait preuve à l’égard de Choi Soon-sil. En tout, le puissant conglomérat a versé 16 millions d’euros à Mir et K-sport, deux fondations liées à l'amie de la présidente. Le groupe n’est pas le seul à avoir sorti le carnet de chèques pour l’influente chamane : Hyundai, SK Group (pétrole), LG, Posco (matières premières) et bien d'autres (52 groupes en tout) lui ont versé 62,5 millions d’euros à travers ses fondations. Les dirigeants des principaux conglomérats ont été entendus par une commission d’enquête parlementaire le 6 décembre.
L’université Ewha Womans University : Comment Chung Yoo-ra a-t-elle pu intégrer cette université d’élite sud-coréenne ? Le prestigieux établissement est soupçonné d’avoir changé ses règles d’admission dans le seul but de faire de la place à la fille de Choi Soon-sil. En 2015, lorsque la jeune fille de 19 ans fait sa demande, l’université ajoute opportunément le dressage à sa liste de disciplines sportives qui peuvent donner lieu à une dérogation pour athlète de haut niveau.
Une admission qui n’a pas tardé à faire des vagues. Quelques manifestations d’étudiants plus tard et après l’ouverture d’une enquête officielle sur les conditions d’entrée de la fille de Choi Soon-sil, le directeur de l’établissement démissionne. Début décembre, Chung Yoo-ra est prié de quitter l’université et son cursus est invalidé. La jeune fille avait, en effet, été absente pendant 141 jours sur 193, alors que son dossier indiquait qu’elle n’avait manqué aucun cours. “Nous avons affaire à un nombre sans précédent d’irrégularités”, a résumé Cho Hee-yeon, recteur de l’académie de Séoul.
Hanjin group. Dans le dédale des conglomérats soupçonnés d’avoir versé de l’argent aux deux fondations liées à Choi Soon-sil, Hanjin group tient une place à part. Ce groupe, propriétaire de la compagnie aérienne South Korea Airlines et du géant du fret maritime Hanjin Shipping (qui a fait faillite), a versé près d’un million de dollars à Mir et K-sport. Une somme importante pour un groupe qui, par ailleurs, fait face à de graves problèmes financiers depuis la faillite de sa filiale maritime. Mais une somme visiblement trop faible pour Choi Soon-sil, d'après le quotidien JoongAng Ilbo. Le journal, sur la foi de sources internes au groupe, affirme que la conseillère, fâchée de ne pas avoir pu obtenir plus d’argent, a bloqué un plan de sauvetage de Hanjin Shipping.
Conséquence : une faillite qui a immobilisé pendant plusieurs jours 14 milliards de dollars de marchandises qui ne pouvaient pas être débarqués. Le gouvernement sud-coréen a démenti la prétendue implication de Choi Soon-sil dans cette affaire, mais la destitution de la présidente pourrait entraîner une réouverture de ce dossier.