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La victoire du "non" au référendum italien et la démission du président du Conseil Matteo Renzi a lourdement pénalisé les valeurs bancaires en Bourse. Ce choc politique pourrait-il être fatal à des banques italiennes déjà affaiblies ?

Unicredit chute de 5,3 %, Monte dei Paschi di Siena baisse de 2,6 % et les autres banques italiennes ne se portent pas très bien non plus en Bourse, lundi 5 décembre. Le secteur bancaire italien apparaît comme la première victime économique de la démission du président du Conseil italien Matteo Renzi après la victoire du "non" au référendum du 4 décembre.

Quel rapport entre ces banques et le vote, qui portait sur une réforme constitutionnelle pour renforcer les pouvoirs de l’exécutif ? "Les investisseurs réagissent à la période d’instabilité politique qui s’ouvre en Italie", répond Pascal de Lima, économiste en chef du cabinet de conseil EcoCell, contacté par France 24. L’incertitude au sommet de l’État donne toujours lieu à une période de trouble boursier. Au Portugal, les marchés financiers ont connu une mauvaise passe de six mois après la démission du gouvernement de droite en novembre 2015 et la Bourse espagnol n’a pas non plus apprécié la vacance du pouvoir l’an dernier.

360 milliards de créances douteuses

À ce facteur conjoncturel s’ajoute "un aspect structurel propre à l’Italie qui concerne les doutes sur la solidité des banques transalpines", rappelle Pascal de Lima. Elles sont, en effet, plombées par le poids des créances douteuses. Il y a 360 milliards d’euros de créances que les banques italiennes risquent de ne jamais pouvoir récupérer dans leur intégralité à la suite de faillites en tout genre (insolvabilité personnelle et dépôts de bilan des entreprises) qui se sont multipliées durant la crise de la zone euro. En tout, 17 % des actifs bancaires en Italie sont des créances douteuses. "L’ensemble du secteur bancaire italien n’a mis de côté que de quoi couvrir 45 % des éventuelles pertes", souligne Céline Antonin, spécialiste de l’économie italienne à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Le risque identifié par les investisseurs est donc de voir les banques italiennes peiner à faire face à des défauts de paiement en cascade si l’instabilité politique entraîne une dégradation de la situation économique. "Les investisseurs rechignent à détenir des titres de banques italiennes et, pour pouvoir continuer à se financer sur les marchés, ces institutions financières doivent proposer des primes de risques plus élevées, ce qui leur coûte plus cher", explique Céline Antonin.

La banque Monte dei Paschi di Siena est particulièrement exposée à ce cocktail explosif, mélange d’instabilité politique et de créances douteuses. Cette vénérable institution – le plus vieil établissement financier de la planète, fondé en 1472 – a été qualifiée de maillon faible du secteur bancaire européen lors des stress tests (scénarios de résistance en cas de crises économiques) menés par la Banque centrale européenne cet été. Son bilan est plombé par plus de 27 milliards d’euros de créances douteuses et elle tente depuis des années d’apurer ses comptes. Sans succès jusqu’à présent. Le "non" au référendum et la nervosité boursière pourrait être fatals à cette institution qui est la troisième plus importante du pays.

Tout repose sur le dernier plan de sauvetage qui a été concocté pour elle. Monte dei Paschi di Siena doit se délester de ses créances douteuses en les remettant à une "bad bank" (une structure spécialement mise en place pour les gérer) et réussir à lever cinq milliards d’euros auprès des investisseurs. Une ouverture de son capital qui, dans le contexte politique et boursier actuel, ne va pas être simple.

Aide de la BCE

Mais tout le secteur bancaire italien n’est pas à l’image de cette banque de Sienne. Pour Céline Antonin, les banques transalpines ne sont pas toutes au bord du dépôt de bilan. Le niveau général des créances douteuses, certes élevées, restent similaire à celui d’autres pays comme l’Irlande ou le Portugal (15 %). Hormis Monte dei Paschi, elles ont toutes passées – certes de peu – les stress tests, démontrant qu’elles ne vont pas imploser au premier choc économique venu.

Surtout, le contexte européen n’est plus le même qu’en 2010 lorsque la sanction des marchés pouvaient priver des pays entiers – comme la Grèce, le Portugal ou l’Irlande – de financement. "La Banque centrale européenne joue un rôle beaucoup plus actif et ne s’interdit pas d’acheter des actifs d’entreprises privées comme des banques", note Céline Antonin. En clair, la BCE peut, le cas échéant, voler au secours des banques italiennes pour rassurer les investisseurs.

Le risque d’une implosion du secteur bancaire italien n’est donc pas d’actualité, reconnaît également Pascal de Lima. Reste à mesurer l’impact réel que le choc politique du référendum va avoir sur l’économie italienne. Si l’instabilité politique se traduit par une baisse de la croissance, le niveau des créances douteuses pourrait fortement augmenter plongeant, pour le coup, l’Italie dans une vraie crise bancaire.