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Présidentielle en Autriche : l’indépendant Van der Bellen, élu sur son profil de "rassembleur"

Son sérieux de professeur d'économie a rassuré la droite, son parcours chez les Verts a convaincu la gauche. Alexander Van der Bellen a fait campagne au centre et a gagné l’élection présidentielle dimanche en Autriche d'après les premiers résultats.

Alexander Van der Bellen, candidat indépendant soutenu par les Verts et donné gagnant de la présidentielle en Autriche dimanche 4 septembre, a cultivé un profil de rassembleur pour faire rempart à l'extrême droite.

Européen convaincu, pragmatique et libéral, il n'a eu d'autre choix que de mener une campagne au centre pour fédérer, dans cette élection où il s'est présenté avec une étiquette d'indépendant, après onze années à la tête du parti écologiste autrichien.

Un positionnement qui lui avait déjà permis de l'emporter d'une courte tête - moins de 31 000 voix - au second tour organisé au mois de mai alors qu'il était largement distancé au premier tour par le candidat d'extrême droite Nobert Hofer (FPÖ). Mais quelques jours avant son investiture, le scrutin avait été invalidé par la justice en raison d'irrégularités dans le dépouillement.

Une personnalité austère

Ce septuagénaire à l'éternelle barbe de trois jours, ancien professeur d'économie à l'université et même doyen de la faculté de Vienne, est donc reparti en campagne, avec les T-shirts colorés à son effigie et les concerts de ses comités de soutien. Des moyens en décalage avec sa personnalité austère, voire intimidante.

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Face à son rival, formé aux techniques de communication, les secondes de silence d'Alexander Van der Bellen aux questions des débats télévisés ont souvent semblé une éternité. Mais cet ancien professeur, adepte d'un humour pince-sans-rire, sait aussi se montrer mordant : "Vous ne comprenez rien à l'économie" ou "Je vous parle d'Europe: E-U-R-O-P-E, vous en avez déjà entendu parler?", avait-t-il lancé à Norbert Hofer lors du débat, comme pour faire sortir de son flegme un adversaire qui cultivait sang-froid et affabilité.

"Tolérance zéro" en matière de sécurité

Les Verts autrichiens, le parti qu'il a dirigé jusqu'en 2008, ont également découvert de nouveaux accents à leur ancien patron, désormais défenseur de la "tolérance zéro" en matière de sécurité, d'une restriction de l'asile pour les "migrants économiques" et acteur de clips électoraux sur fond de drapeau autrichien et d'ode au terroir. Cet été, il était même apparu dans une fête de village en veste traditionnelle - une première - non pour s'attirer les grâces de l'électorat conservateur, a-t-il juré, mais pour être au diapason des visiteurs.

En dépit de l'absence de consigne de vote officielle en sa faveur des partis social-démocrate (SPÖ) et conservateur (ÖVP), Alexander Van der Bellen a emmagasiné les soutiens individuels d'une grande partie du monde politique, artistique, intellectuel, de gauche mais aussi de droite. Un argument que lui avait retourné Nobert Hofer : "Vous avez l'élite, j'ai le peuple", l'avait interpellé le candidat FPÖ lors d'un débat.

Avant son passage à la tête des Verts autrichiens, dont il a fait la quatrième force politique du pays, derrière le FPÖ, Alexander Van der Bellen avait débuté en politique dans les années 80 en s'engageant aux côtés des sociaux-démocrates, mais il s'était mis ces dernières années en retrait de la scène politique.

Un "enfant de réfugié"

Durant la campagne, le FPÖ et ses détracteurs avaient préféré présenter Alexander Van der Bellen comme un "gauchiste en habits bourgeois", lui reprochant des accointances "communistes", le renvoyant aux positions de son ancien parti en matière d'immigration. Les Verts ont toujours défendu une société ouverte et multiculturelle, qui fait figure d'épouvantail pour le FPÖ.

Pour beaucoup d'électeurs, ce modéré était resté trop radical, notamment dans les campagnes conservatrices "où les Verts ont encore la réputation de trafiquants de cannabis", selon le magazine de gauche Profil. Le candidat écolo ne fume, lui, que des cigarettes, mais beaucoup.

Alexander Van der Bellen se présente lui-même comme "enfant de réfugiés", rejeton d'un aristocrate russe et d'une mère estonienne ayant fui le stalinisme. Il est né à Vienne, et sa famille a trouvé refuge dans le vert Tyrol, aux confins de l'Autriche et de l'Italie, lorsque l'Armée rouge est entrée dans la capitale autrichienne, en 1945. Dans cette province frontalière, très traditionnelle, il est tout simplement "Sascha", diminutif russe d'Alexander.

Avec AFP