
Fidel Castro suscite aujourd'hui des réactions hostiles dans le monde des intellectuels français. C'est sans oublier la fascination que le dirigeant cubain et la révolution ont suscité dans les années 1960 à Paris.
Quelle position adopter face à l'annonce du décès de Fidel Castro ? En France, il y a ceux qui saluent le héros de la révolution cubaine : "Fidel ! Fidel ! Mais qu'est-ce qui s'est passé avec Fidel ? Demain était une promesse. Fidel ! Fidel ! L'épée de Bolivar marche dans le ciel", a tweeté samedi 26 novembre Jean-Luc Mélenchon. Quand d'autres n'ont pas hésité à dénoncer les dérives dictatoriales du dirigeant cubain : "Une pensée à toutes les victimes du dictateur communiste", a réagi le maire d'extrême droite de Béziers Robert Ménard. De son côté, le député du Gard Gilbert Collard, proche de Marine Le Pen, a évoqué "un assassin de moins".
Ces réactions vives et opposées reflètent la relation passionnelle que la France a entretenu avec le dirigeant cubain. Et notamment par le passé la gauche française. "Le monde intellectuel français s'est épris de Cuba dans les années 1960", commente Christophe Ventura, chercheur à l'Irir (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste de l'Amérique latine.
Jean-Paul Sartre à La Havane
Quand, le 1er janvier 1959, Castro proclame le "début de la Révolution", il n'a pas encore évoqué son caractère marxiste. Marquée à gauche, elle représente un espoir formidable pour certains intellectuels, après la débâcle stalinienne. Les premières réformes, en faveur de l'éducation, de la santé et de la culture trouvent un écho auprès de Français qui rêvent alors d'une nouvelle société.
À l'époque, la révolution attire de nombreux artistes et intellectuels français, qui se pressent à La Havane. En pleine Guerre froide, l'acteur Gérard Philipe est l'un des premiers à serrer la main de Fidel Castro, en 1959, quelques mois après son installation à la tête du pays, au terme de deux ans de guérilla contre le régime de Fulgencio Batista. L'année suivante, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir s'affichent également dans les rues de La Havane. En 1963, la réalisatrice Agnès Varda se rend elle aussi sur place et réalise un documentaire, "Salut les Cubains".
"L'île représente alors le laboratoire d'un idéal pour les autres pays d'Amérique latine, mais aussi pour les intellectuels parisiens", poursuit Christophe Ventura. Et Fidel Castro incarne cette utopie. Pendant deux décennies, d'autres personnalités défilent à Cuba : le cofondateur de Médecins sans frontières Bernard Kouchner, le journaliste Claude Julien, les écrivains Michel Leiris, Marguerite Duras, Jorge Semprun ou l'éditeur François Maspero.
Même François Mitterrand, après sa défaite à l'élection présidentielle de 1974, vient reprendre des forces à Cuba. "À l'origine, ce n'était pas un amoureux du castrisme, il était plutôt prudent mais il a fini par voir en Fidel Castro un alter-ego", commente Chirstophe Ventura.
Sympathie des souverainistes
La révolution castriste a aussi fasciné une partie de la droite française pour ses positions antiaméricaines. Le général de Gaulle, Dominique de Villepin ou Nicolas Dupont-Aignan avaient un respect pour Castro le souverainiste. "Cuba et la France se sont toujours retrouvées sur les positions antisouverainistes", précise le chercheur.
Pourtant à l'époque, le régime castriste a déjà planté les limites de la liberté d'expression. Mais il faut attendre 1971 et l'arrestation du poète cubain Heberto Padilla pour mettre fin au mythe. Sartre écrit son indignation dans le journal Le Monde dans une lettre également signée par une soixantaine d'intellectuels. Fidel Castro a riposté en les qualifiant "d'agents de la CIA" et en leur interdisant "indéfiniment" d'entrer à Cuba. Pour une certaine partie des intellectuels, c'est la fin d'un mythe.