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Législatives allemandes : "Sans Merkel, la CDU n'est plus rien"

La chancelière allemande Angela Merkel a décidé de se présenter pour un quatrième mandat. Pour faire barrage contre le populisme, comme le suggère certains médias ? Pas seulement.

Elle y retourne. La chancelière allemande Angela Merkel a décidé de briguer un quatrième mandat lors des élections législatives de 2017. Elle vise ainsi à égaler le record établi par deux autres chanceliers issus, comme elle, de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) : Konrad Adenauer (1949 à 1963) et Helmut Kohl (1982 à 1998).

“Après la victoire de Donald Trump aux États-Unis, elle est perçue comme le dernier défenseur de certaines valeurs”, assure le quotidien Die Welt. La chancelière représente, d'après le journal, le meilleur rempart pour faire barrage à la progression des idées populistes.

Merkel soutenue par Obama

Une analyse partagée par plusieurs médias allemands. Elle apparaît d’autant plus pertinente que Barack Obama, le président américain sortant, a clairement appelé à soutenir politiquement Angela Merkel (alors qu’elle ne s’était pas encore prononcée sur son éventuelle candidature) lors de son déplacement à Berlin, jeudi 17 novembre. Une sortie qui, dans le contexte politique outre-Atlantique, a été perçue comme un message de mise en garde contre la tentation des extrêmes et du discours populiste.

Mais pour Thorsten Winkelmann, politologue allemand à l’Institut de recherche en politique de Nuremberg, contacté par France 24, l’argument de la dernière défense contre la montée des extrêmes relève surtout de la posture électoraliste. “Cette manière de présenter l’Allemagne comme le pays de la stabilité incarnée par Angela Merkel, entouré d’États comme la Turquie, le Royaume-Uni, les États-Unis et, peut-être, la France demain, tentés par les sirènes populistes, fait une parfaite scénarisation électorale”, affirme-t-il.

“La vérité est que sans Angela Merkel, la CDU n’est plus rien”, estime cet expert. Selon lui, le parti chrétien-démocrate a poussé la chancelière à se représenter pour éviter un vide politique. “Il n’y a actuellement aucun dauphin : Wolfgang Schäuble [le ministre des Finances] est trop vieux et Horst Seehofer [le ministre président de Bavière, NDLR] est bavarois, ce qui le disqualifie d’office auprès de l’électorat d’une grande partie du reste de l’Allemagne*”, souligne Thorsten Winkelmann.

La “social-démocratisation” de la CDU

Onze ans de “merkelisme” ont aussi pesé sur le bagage idéologique traditionnel des conservateurs allemands. “Elle a procédé à une ‘social-démocratisation’, c’est-à-dire un positionnement davantage au centre gauche, de la CDU”, affirme le politologue. L’engagement en faveur de la transition énergétique, la politique d’accueil des réfugiés, l’instauration d’un salaire minimum : autant de mesures qui vont à l’encontre de la culture politique de son parti. Aux yeux de la CDU, seule la popularité d’Angela Merkel permet de masquer la disparition des principaux marqueurs idéologiques traditionnels de la droite allemande.

Ce recentrage offre aussi un avantage électoral : priver la gauche allemande d’espace politique. “Le SPD [les sociaux-démocrates de centre gauche] a perdu une partie du vote populaire après les réformes économiques menées par l’ex-chancelier Gerhard Schröder et n’a pas encore réussi à se sortir de cette image d’un parti qui penche à droite”, note Thorsten Winkelmann. Les deux principales formations politiques marchent donc mutuellement sur leurs plates-bandes politiques respectives. À ce jeu, la CDU a un avantage : elle dispose d’Angela Merkel, tandis que le champion de la SPD, Sigmar Gabriel, “est notre François Hollande à nous en terme de popularité”, ose le politologue.

Le principal danger pour Angela Merkel provient de l’Alternative für Deutschland (AfD), le parti allemand anti-immigré. Sa présidente, Frauke Petry, a fait du “Merkel bashing” l’un de ses sports favoris avec un succès électoral évident. Son message : Angela Merkel est à l’origine de la politique généreuse d’accueil des réfugiés, source de tous les maux de l'Allemagne.

“Une partie des Allemands blâme peut-être Angela Merkel pour cette politique, mais les positions de la chancelière sont partagées par les autres responsables de la CDU”, souligne Thorsten Winkelmann. Il n’existe donc pas de candidature alternative au sein du parti conservateur qui serait acceptable aux yeux des électeurs de l’AfD. Les partisans d’Angela Merkel parient, comme l’explique le politologue, sur le fait que l’Allemagne reste fidèle à sa tradition qui est de “ne pas aimer, à l’inverse de la France, les expérimentations” comme un vote en faveur de l’AfD.