
, avec dépêches – Le tribunal de New York a condamné le financier Bernard Madoff à 150 ans de prison pour son escroquerie dont le montant oscille entre 50 et 65 milliards de dollars. Il s'agit de la peine maximale requise à son encontre.
Le financier américain Bernard "Bernie" Madoff, 71 ans, a été condamné, ce lundi, par le tribunal de New York à 150 ans de prison pour sa fraude estimée entre 50 et 65 milliards de dollars. L’annonce de la peine de celui qui se décrit comme "un criminel en col blanc" a été accueillie par des applaudissements des victimes présentes à l’audience.
"Il s’agit d’une peine exemplaire, le juge a voulu donner un exemple", analyse pour FRANCE 24 Sofiane Aboura, maître de conférences en finances à l'université Paris-Dauphine.
Le 12 mars, l'ancienne star de Wall Street avait plaidé coupable de 11 chefs d'inculpation, dont fraude, parjure, blanchiment d'argent et vol, dans le but avoué de protéger sa famille, qui n'est d'ailleurs pas poursuivie actuellement dans cette affaire. "Sa femme, Ruth Madoff, a dû renoncer à la plupart de ses biens, mais elle n'est pas mise en accusation", précise Stéphanie Antoine, journaliste économique à FRANCE 24. Absente lors du verdict, son épouse s’est déjà séparée de ses résidences de Manhattan, Palm Beach et Long Island, de quelques actifs et de bijoux, pour une valeur totale de 80 millions de dollars.
"Dans la justice américaine, plaider coupable et ne pas contester, cela permet de laisser un juge fixer la durée de sa peine, au lieu d’un jury", explique Emmanuel Saint Martin, correspondant de FRANCE 24 qui a assisté à l’audience. Son avocat avait requis une peine de 12 ans de prison, bien en deçà des 150 ans cumulés qui menaçaient celui que l’on appelle "l'escroc du siècle".
Bernard Madoff est apparu face à ses victimes en costume plutôt que dans son uniforme de prisonnier matricule 61727-054. Une requête exceptionnellement acceptée par la justice américaine. Ainsi habillé, il a souhaité adresser ses excuses aux victimes de sa fraude, déclarant qu’il devra dorénavant "vivre avec cette douleur" le reste de sa vie. Mais pour les victimes, le lourd verdict ne suffit pas à dissiper le sentiment de frustration d’autant que leurs chances d’être indemnisés pour les dommages subis sont faibles.
Un génie-escroc
Ce verdict vient sanctionner l’ex-président du conseil d'administration du Nasdaq et auteur de la plus grande fraude financière connue. Pendant 30 ans, le financier a monté ce qu'on appelle "une pyramide de Ponsi", du nom de l'escroc des années 1920 qui a inventé cette arnaque. Le principe était simple : les nouveaux épargnants finançaient les intérêts des anciens, aucun dollar n'était investi, et "Bernie" empochait l'excédent.
"Il a bluffé des milliers d'épargnants et investisseurs grâce à sa réputation et avec un certain génie, analyse Sofiane Aboura. Les rendements de ses faux placements étaient de 15 à 20 %, ce qui est totalement invraisemblable et extraordinaire." Le système était rôdé, et même le gendarme de la Bourse américaine, la SEC, n'y a vu que du feu. Pour Sofiane Aboura, l’enquête n’a pas été conduite avec beaucoup de diligence d’autant que l'un des membres de la famille Madoff était marié à l’un des inspecteurs de la SEC.
Les économistes s’accordent sur un point : en l'état actuel des choses, une nouvelle fraude de ce type est possible, souligne Stéphanie Antoine. "Ce procès est aussi celui du système financier et capitaliste, notamment les failles de la SEC, qui a pourtant contrôlé Madoff." Un système également critiqué par Sofiane Aboura, qui estime qu'il y a "une limite à la transparence : quand vous incitez au rendement fort, vous incitez à contourner le système. Il paie pour le système, mais le système a fauté."
40 ans de mensonges
"Ce sont 40 ans de mensonges qui fascinent l'Amérique", explique Emmanuel Saint Martin. L'homme est parti de rien de son quartier natal du Queens (New-York), raconte-t-il. Il travaillait à ses débuts en tant que maître nageur. Aujourd'hui, le montant de la fraude pour laquelle il était jugé est évalué entre 50 et 65 milliards de dollars. Le juge du tribunal de New York a publié un mandat préalable permettant la saisie de ses biens à hauteur de 170 milliards de dollars.
"La plupart des victimes ont perdu toutes leurs économies. Certaines personnes à la retraite ont été contraintes de retourner travailler", précise à FRANCE 24 Romain Gubert, co-auteur du livre "Et surtout n’en parlez à personne". Certains investisseurs directs, les plus chanceux, étaient assurés à hauteur de 500 000 dollars, commente Romain Gubert, mais cet argent sera difficile à récupérer.
Madoff connaît dorénavant le prix de son escroquerie, mais "l'enquête ne s'arrête pas pour autant", conclut Emmanuel Saint Martin.