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Présidentielles américaine et française : les migrants au cœur du débat

L'immigration était l'un des thèmes de campagne de prédilection du président élu Donald Trump. En France, le sujet est également au cœur des débats en vue de la présidentielle de 2017. De quoi susciter l'inquiétude des défenseurs des migrants.

C’est une page nouvelle de l’histoire des États-Unis qui va s’écrire avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Le monde entier est dans l’expectative, notamment les migrants, visés pendant la campagne par les discours virulents du candidat républicain. En France, le thème de l'immigration est également au cœur des débats dans la course à la présidentielle de 2017. De quoi susciter l'intérêt, voire l'inquiétude des migrants, d’autant que les propositions du président américain élu ou celles de certains candidats en France sont loin d’être rassurantes.

Aux États-Unis, tout au long de sa campagne, Donald Trump a promis d’expulser 11 millions de clandestins présents sur le sol américain, pour la plupart originaires du Mexique et d’Amérique centrale. Il a aussi annoncé la construction d’un mur le long des 3 200 km de frontière avec le premier.

Le 13 novembre, sur la chaîne CBS, le président élu a précisé ses intentions : "Ce que nous allons faire, c'est prendre les gens qui sont des criminels et qui ont des casiers judiciaires, qui appartiennent à des gangs, qui sont des trafiquants de drogue (...), sans doute 2 millions, ça peut aussi être 3 millions (de personnes), nous allons les renvoyer du pays ou nous allons les mettre en prison." À noter que depuis son arrivée au pouvoir en 2009, l’administration de Barack Obama a expulsé 2,4 millions de personnes séjournant illégalement dans le pays, soit plus que toutes les administrations précédentes. Il s’agissait toutefois en majorité de migrants détenus à la frontière, pas de personnes installées aux États-Unis.

Fin du programme d’accueil des réfugiés syriens

Autre promesse de campagne de Donald Trump, la suppression du programme DACA, destiné à protéger près de 740 000 jeunes entrés illégalement aux États-Unis avec leurs parents et aujourd’hui parfaitement intégrés. Mais il n’a pas précisé si cela signifierait le renvoi des bénéficiaires ou simplement le refus de nouveaux dossiers.

En outre, alors que sous la présidence Obama, les États-Unis ont accueilli 10 000 réfugiés syriens, Donald Trump, lui, veut mettre fin à ce programme. Pendant la campagne, son fils Donald Jr avait d’ailleurs suscité une polémique en comparant les migrants venus de Syrie à des bonbons empoisonnés : "Si j’avais un bol de Skittles et que je vous disais que trois d’entre eux allaient vous tuer, vous en prendriez toute une poignée ? Voilà, c’est ça notre problème avec les réfugiés syriens" avait-il déclaré sur son compte Twitter le 19 septembre dernier.

Les maires de New-York et Chicago veulent protéger les étrangers

Pour mener à bien sa politique, Donald Trump a intégré dans son équipe de transition plusieurs pourfendeurs de l’immigration, comme le sénateur Jeff Sessions, féroce opposant de l’immigration illégale ou encore Kris Kobach, du Kansas, qui défend le concept d’"auto-expulsion". C'est-à-dire durcir les lois migratoires et rendre la vie impossible aux clandestins pour les pousser à partir d’eux-mêmes.

Depuis son élection, les défenseurs des migrants s'inquiètent. Le président américain "entend transformer sa rhétorique de campagne en actions et avancer des mesures punitives et agressives pour expulser les immigrants sans s’embarrasser du droit" s’indigne la directrice de l’ONG American Immigration Council, avant de conclure, "on va se battre." La bataille se fait aussi dans les mairies : à New York, ville symbole du brassage américain des cultures, le maire démocrate, Bill de Blasio, a prévenu qu'une base de données contenant les noms de milliers de clandestins possédant une carte d'identité propre à la ville pourrait être détruite, pour éviter qu'elle ne tombe entre de mauvaises mains. Le maire de Chicago, Rahm Emanuel, proche de Barack Obama, a assuré que "Chicago resterait une ville sanctuaire" pour les étrangers.

En France, les migrants dans le viseur

En miroir des prises de position de Donald Trump, les discours nationalistes et/ou anti-étrangers résonnent aussi en France à l’approche la présidentielle en mai 2017. Le programme de Marine Le Pen, que les sondages annoncent au second tour, rejoint d'ailleurs parfois celui de Donald Trump, qu'elle a vivement félicité lors de son élection.

La présidente du Front national souhaite ainsi limiter le nombre d’entrées légales sur le territoire français à 10 000 par an, contre environ 200 000 depuis une dizaine d’années. Cette mesure se fera notamment en réduisant fortement le regroupement familial mais aussi l’accès au droit d’asile et l’immigration de travail. En ce qui concerne l’immigration illégale, la présidente du FN réclame l’expulsion automatique des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français.

Félicitations au nouveau président des Etats-Unis Donald Trump et au peuple américain, libre ! MLP

— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 9 novembre 2016

Des divisions à droite comme à gauche

Chez Les Républicains, Nicolas Sarkozy, lui, a durci ses positions. L'ancien président et candidat à la primaire de la droite prévoit également de stopper l’immigration économique et de suspendre le regroupement familial. Une ligne très droitière qui lui permet de se démarquer de ses deux principaux concurrents Alain Juppé et François Fillon.

Tous deux souhaitent remplacer les accords de Schengen par un nouveau traité, afin de renforcer les contrôles aux frontières extérieures et intérieures de l’Union européenne. Ils proposent également de faire voter chaque année des plafonds d’immigration par les parlementaires.

Du côté de la gauche française naissent également des divisions. Le Premier ministre, Manuel Valls, entend porter un discours de gauche sur les questions d'identité. Il a ainsi jugé, le 12 novembre à l'Assemblée nationale, que l'élection de Donald Trump marquait "le besoin de frontières" et "de réguler l'immigration", mais aussi de mieux protéger les classes moyennes dans la mondialisation, sans toutefois préciser d'intentions claires. Plus incisive, l’ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira appelle le parti au pouvoir à "revenir à la question sociale", estimant que la gauche aurait tort de "glisser dans la problématique identitaire" sur fond de poussée des "démagogues".

Et ces clivages autour de la question migratoire dans la classe politique française, s’ils ne concernent pas directement les migrants, risquent d'avoir de lourdes conséquences sur leurs choix et leur avenir.