envoyé spécial à New York – De l'Oregon à la Floride, les États-Unis votent ce mardi, mais c’est dans le même quartier de Manhattan, à New York, que les deux candidats attendent les résultats. Une proximité qui interpelle alors que le pays semble plus divisé que jamais.
À en juger par leur électorat, tout semble opposer Hillary Clinton et Donald Trump. L’une séduit les populations métissées, éduquées et cosmopolites quand l’autre est le champion des électeurs blancs issus de zones rurales. Mais il est un aspect qui lie les deux candidats depuis des décennies : la ville de New York.
"If I can make it there, I’ll make it everywhere" ("Si je peux réussir ici, je peux réussir partout"), chantait Sinatra. Le moins que l’on puisse dire, c’est que New York a réussi aux deux prétendants à la Maison Blanche.
Donald Trump est un riche héritier qui affiche fièrement son nom sur l’un des plus hauts gratte-ciel de Manhattan. Hillary Clinton vient d’une petite ville de l’Illinois, elle a été mariée à l’ancien gouverneur de l’Arkansas, mais elle a surtout été sénatrice de l’État de New York pendant huit ans et a depuis longtemps ses entrées dans la bonne société new-yorkaise.
Comme le dit Irene Finel Honigman, professeur de relations internationales à l’université Columbia, la course à la Maison Blanche se résume à un combat entre deux millionnaires new-yorkais. "C’est même un match qui se joue entre la 55e et la 86e rue à Manhattan, dans les quartiers les plus cossus de la ville. Dans cette zone se trouvent à la fois la Trump Tower et les riches salons où les gens les plus influents du pays se réunissent, explique-t-elle. Aujourd’hui, ils sont rivaux mais ils ont longtemps fréquenté ce même cercle".
Moins de trois kilomètres entre les soirées Clinton et Trump
L’élection américaine a ceci de particulier qu’elle se joue dans quelques États clés, appelés "swing states". Le match entre Trump et Clinton devrait donc se jouer dans les mines de l’Ohio et dans les banlieues tentaculaires de Floride. En ce jour de vote, c’est pourtant à New York que les deux candidats ont organisé leur "election night parties", dans les quartiers Midtown de Manhattan.
Selon Google Map, il faut un peu moins de 20 minutes à pied pour se rendre de l’hôtel Hilton, où se tiendront Trump et ses proches et le Jacob K. Javits Convention Center, où Clinton a donné rendez-vous à ses supporters. Une proximité géographique qui interpelle à l’heure où les États-Unis n’ont jamais semblé aussi divisés.
"Cette élection est une opposition entre New York et le reste du pays mais aussi entre les classes populaires et les nantis", estiment Isabel Fortunoff, 96 ans et Sonia Fredj, 77 ans. Les deux amies, new-yorkaises depuis toujours, ont conscience de faire partie de cette classe de privilégiés qui n'a jamais eu à se poser de question sur leur place la société américaine.
Vu de leur très chic quartier de l’Upper East Side, elles reconnaissent qu’aucun des candidats ne répond vraiment aux préoccupations des plus démunis et s’inquiètent de la montée des populismes, des deux côtés de l’Atlantique. "Il y a eu le Brexit au Royaume-Uni. Ici, on assiste à l'incroyable ascension de Trump, et en France, Marine le Pen ne cesse de progresser", s'inquiètent-elles d'une même voix.
Mais difficile de percevoir les percées populistes quand on regarde les résultats électoraux à New York, Londres ou Paris. Depuis quelques années, les grandes métropoles globalisées sont de moins en moins le reflet du paysage politique de leur pays d’attache.