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Turquie : l'Occident s'indigne après l'arrestation des dirigeants du principal parti pro-kurde

La décision d'Ankara de placer en détention préventive, vendredi, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, les deux coprésidents très en vue du principal parti pro-kurde de Turquie, a suscité des réactions indignées en Occident.

Des dirigeants occidentaux se sont indignés, vendredi 4 novembre, après l'arrestation des coprésidents du principal parti pro-kurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP), et d'une dizaine d'autres députés de cette formation.

Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag ont été placés en détention préventive, quelques heures après leur arrestation par les autorités, qui semblent franchir une nouvelle étape dans les purges menées tous azimuts depuis le putsch avorté de juillet.

Les États-Unis sont "profondément troublés" par la détention des élus pro-kurdes, a écrit sur Twitter Tom Malinowski, chargé des droits de l'Homme au département d'État américain. De son côté, la chef de la diplomatie de l'UE, Federica Mogherini, s'est dite "extrêmement inquiète".

Berlin a annoncé avoir convoqué le chargé d'affaires turc, et le porte-parole de la chancelière, Angela Merkel, a jugé ces arrestations "hautement alarmantes".

Côté français, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal, a déclaré que l'arrestation des élus HDP suscitait "une vive préoccupation". Pour le Parti socialiste, l'arrestation des deux co-présidents du HDP, "deux personnalités démocratiquement élues et respectées en Turquie", "est un choc".

La France appelle la #Turquie à respecter l’Etat de droit et les libertés fondamentales https://t.co/9A8dIN0fsO

— Romain Nadal (@NadalDiplo) 4 novembre 2016

"La lutte contre le terrorisme et contre les tentatives de déstabilisation politique ne peut justifier toutes les atteintes aux libertés", indique le parti dans un communiqué, soulignant que "cette escalade sans fin" suscite sa "plus vive inquiétude".

Des appels à manifester des communautés kurdes locales ont été lancés à Paris et à Cologne (Allemagne).

"Un coup d'État contre le pluralisme"

Dans un texte rédigé à la main lu par l'un de ses avocats, Selahattin Demirtas s'est dit victime d'un "coup civil par le gouvernement et le palais".Les mots "Nous allons à coup sûr gagner" qu'il a lancés en turc au moment de son arrestation ont été très partagés sur Twitter sous le hasthtag #MutlakaKazanacagiz . "C'est un coup d'État contre le HDP, c'est un coup d'État contre le pluralisme, contre la diversité, contre l'égalité", a déclaré Garo Paylan, un député du HDP, lors d'une conférence de presse au quartier général stambouliote du parti.

À Ankara, des dizaines de manifestants solidaires du HDP ont été dispersés par les forces de l'ordre à l'aide de gaz lacrymogènes, a constaté un photographe de l'AFP. L'accès aux réseaux sociaux et à des applications de messagerie était fortement perturbé vendredi.

Turquie : l'Occident s'indigne après l'arrestation des dirigeants du principal parti pro-kurde

La plate-forme de surveillance TurkeyBlocks a indiqué avoir "détecté des restrictions d'accès à plusieurs réseaux sociaux dont Facebook, Twitter et YouTube". Par ailleurs, selon le site spécialisé T24, l'autorité turque des télécommunications BTK est intervenue pour restreindre l'accès aux principaux services VPN comme Tor Project et Tunnel Bear. Aucune confirmation officielle n'était disponible dans l'immédiat.

Aggravation des tensions dans le sud-est

Le week-end dernier, les deux maires de Diyarbakir ont été placés en détention et une douzaine de médias pro-kurdes ont été fermés par décret.

Ces mesures ont aggravé les tensions dans le sud-est du pays, ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité depuis la rupture, à l'été 2015, d'un fragile cessez-le-feu, qui a sonné le glas du processus de paix pour mettre un terme à un conflit ayant fait plus de 40 000 morts depuis 1984.

Peu après l’arrestation dans la nuit de jeudi à vendredi de Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, un attentat à la voiture piégée a frappé dans la matinée un bâtiment de la police à Diyarbakir, "capitale" du sud-est turc à majorité kurde, faisant neuf morts, dont deux policiers et plus de cent blessés, selon un bilan de source officielle.

Il a été attribué par le Premier ministre Binali Yildirim au PKK. Mais l'attentat a ensuite été revendiqué par l'organisation État islamique (EI), par l'intermédiaire de l'agence Amaq, organe de propagande du groupe jihadiste, selon le centre de surveillance des mouvements terroristes SITE.

Le leader de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait appelé jeudi ses combattants à attaquer la Turquie pour se venger d'Ankara, très impliquée dans la lutte contre les jihadistes en Irak et en Syrie.

Un tribunal turc place en détention neuf membres du journal d'opposition Cumhuriyet

Un tribunal d'Istanbul a ordonné le placement en détention, jusqu'à leur procès, de neuf membres du principal journal d'opposition Cumhuriyet, a annoncé samedi l'agence turque Dogan.

Ils sont accusés d'être liés à des rebelles kurdes et à la tentative de coup d’État du 15 juillet dernier.

Au total, 13 dirigeants et journalistes avaient été arrêtés. Cumhuriyet avait assuré à ce moment-là qu'il lutterait "jusqu'au bout", dans un pays où la presse a été particulièrement visée par les purges menées depuis le putsch avorté de juillet.

(AFP)

Avec AFP