Trois ans après l'assassinat des deux journalistes de RFI dans le nord du Mali, les circonstances du drame demeurent très floues. Les proches des victimes déplorent le "mystère" entourant l'enquête et dénoncent l'omerta des autorités françaises.
Trois ans après les faits, l'association des Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon dénonce les "zones d'ombre" qui entourent toujours le mobile et les circonstances de leur assassinat au Mali le 2 novembre 2013.
Dans un communiqué publié mardi 1er novembre sur son compte Facebook, l'association déplore le "mystère" persistant autour des raisons de l’enlèvement et de l’exécution des deux journalistes de RFI. "Aujourd’hui, il apparaît que l’Élysée et la Défense en savent beaucoup plus que ce qu’ils disent. Pourquoi ce silence d’État ? Quels sont les faits que l’État veut cacher ?", écrit-elle.
"Omerta"
Dans un long article recensant les interrogations encore en suspens, le site internet de RFI indique ainsi que pour les "amis de Ghislaine et Claude, l'omerta entretenue au plus haut sommet de l'État ne fait ainsi plus de doute. Une conviction renforcée, ces derniers mois, à mesure que sont apparus de nouveaux éléments qualifiés de 'troublants'."
L'association retient notamment un passage du récent livre "Un président ne devrait pas dire ça", rédigé par des journalistes du Monde à partir de confidences du président François Hollande. Évoquant le cas de deux autres Français enlevés au Mali en 2011, Serge Lazarevic et Philippe Verdon, le chef de l’État a confié le 7 novembre 2013, soit quatre jours après le double assassinat des journalistes : "On a le cas Lazarevic, sans doute détenu par ceux qui ont tué les deux journalistes et qui auraient tué Verdon". La mort de Philippe Verdon avait été annoncée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) en mars 2013.
"Éléments tronqués"
"On a envie d'en savoir plus depuis cette phrase", a affirmé la semaine dernière Pierre-Yves Schneider, président de l'association, ajoutant que "toutes les pistes sont ouvertes dans cette affaire où il y a des choses à cacher". Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a déclassifié une centaine de documents confidentiels défense dans le cadre de l'enquête française. Mais selon l’association, ces pièces déclassifiées comportent "beaucoup de passages blanchis, raturés. Il y a des éléments tronqués".
Une des hypothèses retenues par l'association serait que le commando qui a enlevé et tué les journalistes aurait pu être impliqué dans les négociations alors en cours pour libérer Serge Lazarevic, qui a retrouvé sa liberté en 2014.
Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, ont été enlevés à Kidal, dans le nord du Mali, par des hommes armés le 2 novembre 2013 lors d'un reportage. Les deux corps ont été retrouvés deux heures après le rapt à 12 km de Kidal par des militaires français qui avaient été alertés de l'enlèvement. Aqmi avait revendiqué leur assassinat.
En ce 2 novembre, consacré par l’ONU "Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes", François Hollande a salué la mémoire des deux journalistes, tout en rappelant que la justice mène des investigations dans un contexte difficile et fait tout ce qui est possible pour répondre aux légitimes attentes des familles."