Six jours après le début du démantèlement de la "jungle" de Calais, près de 2 000 migrants se sont à nouveau installés à Paris sous des abris de fortune. Les autorités démentent tout lien avec l'évacuation du bidonville calaisien.
Près de 2 000 migrants se sont réinstallées dans les tentes igloo au nord de Paris alors que les campements de la capitale ont déjà été vidés une trentaine de fois. Est-ce une conséquence du démantèlement de la jungle de Calais ? "Beaucoup de migrants vont à Paris" en bus, par train ou en voiture, affirme à l'AFP une source policière. Mais les autorités démentent catégoriquement. "Des contrôles ont été mis en place, sur les routes, sur les voies ferrées, et rien n'indique à ce stade qu'il y ait un afflux de migrants venus de Calais", a assuré vendredi le préfet d'Île de-France Jean-François Carenco.
"Difficile de dire d'où ils viennent mais une chose est sûre : ça grandit de manière inquiétante. Et il y a désormais des familles avec des enfants", souligne Violette Baranda, élue du 19e arrondissement qui visite régulièrement ce "triangle des migrants" du nord-est parisien.
Entre l'avenue de Flandres et les métros Jaurès et Stalingrad, les files devant les marmites des distributions de repas s'étirent inexorablement. "Il y a trois jours, on distribuait 700 à 800 repas. Aujourd'hui, on est à plus de mille. Je ne sais pas comment on va faire", confie Charles Drane, un coordinateur de l'ONG Adventist Development and Relief Agency (Adra) qui distribue des repas le midi.
"Qu'on nous sauve de cette situation"
Les tentes, isolées à la hâte avec des bâches ou des couvertures de survie, s'entassent désormais sur plus de 700 mètres sur le terre-plein de l'avenue de Flandres, du linge sèche sur des fils tendus entre deux arbres, on discute sur une chaise de bureau à roulettes ou un fauteuil défoncé.
Un ex-soldat libyen de 25 ans rêve d'un lit et d'un toit. "La vie est difficile ici. Il fait froid, on mange et on s'habille avec ce qu'on nous donne, on se lave dans des douches publiques quand on peut... On ne veut pas passer notre vie comme ça, dans la rue", explique-t-il dans un français correct.
Certains ont replié leurs tentes vendredi matin en voyant arriver des cars de CRS. Mais leurs espoirs ont été douchés: il s'agissait d'une opération "de contrôle" de la situation administrative des occupants et de l'état sanitaire du campement, et non d'une évacuation avec "mises à l'abri".
Une évacuation aura lieu "dans les jours qui viennent", affirme-t-on à la Ville de Paris. Elle aura lieu "d'ici le 15 novembre, même peut-être avant", précise le préfet d'Île-de-France.
Elle ouvrira la voie à l'ouverture du premier centre d'accueil humanitaire pour les migrants de la capitale, d'une capacité initiale de 400 lits.
"No place like home"
Soudanais, Somaliens, Éthiopiens, Érythréens, Syriens, Libyens, Afghans... "Il y a tous les malheurs du monde ici", sourit Ibrahim Zakaria, originaire du Darfour soudanais.
Aucun des migrants interrogé par l'AFP n'a eu vent d'arrivées depuis la "jungle" ces derniers jours. Plusieurs y sont déjà passés, comme Bokaloi, revenu il y a un mois après y avoir passé 20 jours. "À Calais, c'était pas bon, il y avait beaucoup de mafias. Ici, il n'y a pas de violence mais c'est quand même dur", confie cet Algérien, emmitouflé dans un sac de couchage, sa capuche enfoncée sur la tête.
Un peu plus loin, un homme a mis son rêve par écrit sur l'arrière d'une tente: "No place like home" (rien de tel qu'être à la maison).
Avec AFP