logo

Après l’évacuation de la "jungle" de Calais, le sort des mineurs reste en suspens

Quatre jours après le début du démantèlement de la "jungle" de Calais, des centaines de mineurs ne savent toujours pas s’ils pourront rejoindre l’Angleterre ou obtenir une place en centre d’accueil en France.

Le gouvernement et les médias sont unanimes : l’évacuation, débutée lundi 24 octobre, du camp de la Lande, dit la "jungle", à Calais, s’est bien déroulée. Pourtant, après le départ des journalistes du monde entier venus couvrir l’événement, les associations pointent du doigt un certain nombre de problèmes encore irrésolus.

Tout d’abord celui de la situation des mineurs isolés non-accompagnés. Ils sont encore plus de 1 500 à Calais, majoritairement des jeunes garçons de 16-17 ans. Certains sont toujours logés dans les conteneurs du camp. D’autres, attirés par l’annonce du Royaume-Uni de permettre à quelques centaines d’entre eux de rejoindre leur famille outre-Manche, sont arrivés très récemment et vivent dehors.

François Guennoc, vice-président de l’association l’Auberge des migrants, raconte qu’un mineur isolé est arrivé à Calais de Marseille après avoir fait une fugue du foyer où il était hébergé.

Bras de fer entre Paris et Londres sur le sort des 1 500 mineurs isolés

Malgré l’urgence de la situation, le sort des mineurs isolés non-accompagnés en France dépend de l’issue du bras de fer entre Paris et Londres. Alors que le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, espérait que le Royaume-Uni accepte d’accueillir tous les enfants présents à Calais, Londres se montre frileux.

L’administration britannique affirme n’avoir pas encore eu le temps de mener toutes les "interviews" nécessaires pour établir si ces enfants ont un lien de parenté avec une personne au Royaume-Uni. Par ailleurs, la ministre britannique de l’Intérieur, Amber Rudd, a insisté jeudi 27 octobre auprès de son homologue français "sur le besoin des enfants qui se trouvent toujours à Calais d'être protégés comme il se doit".

En réponse, Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse, la ministre française du Logement, lui ont rappelé que "ces personnes poursuivent un projet migratoire d'installation au Royaume-Uni". Une manière de signifier à Londres qu’une solution durable pour ces jeunes n’est pas envisageable en France.

Et ceci pour des raisons autant politiques qu’économiques. Deux centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés étrangers (Caomie) ont déjà été ouverts par l’État français en Meurthe-et-Moselle et en Charente-Maritime. Interrogée par Le Monde, la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, a assuré qu’"une dizaine" d’autres centres seraient ouverts. Mais, pour François Guennoc, le coût de ces structures constituera certainement un frein à leur ouverture. "Pour une place dans un CAO, il faut compter 20 euros par personne et par jour. Pour un Caomie, c’est au moins trois ou quatre fois plus cher, notamment à cause de l’encadrement que les mineurs nécessitent", explique-t-il à France 24.

Plus de 4 000 migrants "évaporés"

Outre le sort des mineurs isolés, ce sont les milliers de migrants "évaporés" qui préoccupent les associations. Dans un article publié sur le blog qu’il anime sur le site de Médiapart, François Guennoc dénombre, à partir des recensements effectués par les associations depuis le mois de septembre, 4 250 personnes manquantes.

Ces personnes se sont dirigées par leurs propres moyens vers Paris ou ont quitté Calais mais sont restées dans la région dans l’espoir de gagner l’Angleterre à tout prix.

À Paris, les associations qui viennent en aide aux migrants confirment cet afflux récent. "Il y a trois jours, on distribuait 700 à 800 repas. Aujourd'hui, on est à plus de mille. Je ne sais pas comment on va faire", a confié à franceinfo Charles Drane, un coordinateur de l'ONG Adventist Development and Relief Agency (Adra) qui distribue des repas le midi sur l'avenue de Flandres, dans le XIXe arrondissement de la capitale.

Violette Baranda, élue du XIXe , a elle assuré au Monde que les campements grandissaient "de manière inquiétante". "Et il y a désormais des familles avec des enfants, parfois de quelques mois", a-t-elle ajouté.

Une réalité qu’a démentie jeudi la ministre du Logement, assurant à la chaîne Public Sénat que les migrants qui arrivent à Paris "ne viennent pas de Calais".

Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 4 000 personnes ont été conduites en bus vers des CAO répartis dans toute la France entre le lundi 24 et le mercredi 26 octobre.